<== Biographie et fiche d'Eranraël« Mens sana in corpore sano. »
Juvénal, Satires
(Une âme saine dans un corps sain)
Introduction, révélations
Noir. Tout noir. Noir total. En fait, on ne voyait rien. Je ne distinguai que le cime des pins, sous l'éclat blanchâtre de la lune. Ce n'était pas une soirée si mal, d’ailleurs. Mais pas pour moi. J'interrompis mes rêveries pour me concentrer sur les ténèbres de la forêt. J'avais pu y trouver refuge, mais malgré moi, elle me faisait froid dans le dos. Enfin, bref, après une course effrénée, j'avais atteint l'orée de ce bois. Je me suis aussitôt empressé de m’enfoncer à l'intérieur, ce que je n'aurais jamais du faire, car j'ai alors remarqué que cette mer d'arbres n'en finissait pas. Je m'étais sûrement perdu, mais ça n'avait aucune importance actuellement, jusqu'à ce que je veuille en sortir. J'avais quelque chose à faire.
J'avais trouvé une clairière qui m'épargnait de l'obscurité, même si je préférai l'obscurité à la lumière. Je n'avais pas le choix, il me fallait de la place. J'ai laissé mon arrière-arrière-grand-père sur le sol, et depuis quelques temps, je ramassai des branches et du bois pour les rassembler autour de sa dépouille. Vous allez me dire, quand on est poursuivi par des gardes à cheval et un marchand furieux (qui a du se réveiller depuis), on s'amuse rarement à offrir une sépulture correcte à un mort. Surtout si vous êtes un Shaakt. Mais Fretrhibaxevel était la seule personne à qui je pouvais faire confiance sans courir un danger de mort, et bien que sa mort ne m'attriste que légèrement, nous seuls avions eu une relation « d'amis ». On pouvait se parler en sachant que ce qu'on disait ne traînerait pas jusqu’à n'importe quelle oreille, et ça procurait un bien fou de pouvoir se confier à quelqu'un. Néanmoins, je ne pouvais que me consoler, on avait réussi l'irréalisable, s'enfuir de Khonfas. Bien évidemment, ne me prenez pas pour un imbécile, j'ai très bien compris que ce n'était pas uniquement car un règlement de comptes allait se produire que nous avions fui. Fretrhibaxevel ne me l'avait pas dit, mais je l'ai déduit en voyant les troupes Khonfanniennes nous poursuivre. En fait, Fretrhibaxevel avait clairement été considéré comme un criminel. Et c'est sûrement parce qu'il avait tenté de tuer Morgonsën, celui qui prétendait au poste de chef des Clans Marchands. Ça avait fait du bruit, comme affaire, mais personne n'avait pu voir qui voulait l'assassiner car aucun témoin n'était présent. Sauf que Morgonsën n'était pas mort, il s'est donc réveillé quelques semaines plus tard, et bizarrement, son réveil coïncide avec notre départ précipité. Mais non, je ne blâmerait pas Fretrhibaxevel pour cet acte, car il aurait pu, comme n'importe quel Shaakt, fuir seul et sauver sa peau. Sauf qu'il ne l'a pas fait, il a voulu m'emmener avec lui, ce qui prouve son affection pour moi. J'en suis heureux. Je l'ai pardonné.
J'avais constitué un bon tas de branches, et j'y déposa Fretrhibaxevel. Avant tout, je lui avait pris l'argent qu'on avait ramené de Khonfas, son épée ornée de bronze, sa gourde de toile remplie d'eau, la sacoche de cuir que nous avions trouvé dans la caravane, et la nourriture volée dans cette même caravane. Je fouilla aussi ses poches de manteau, et y trouva un anneau d'argent (je pense) d'aspect banal, que j’empochai. Après tout, là ou il allait, il n'aura pas besoin de tout ça. Je lui laissais seulement sa dague et ses vêtements. Pour les vêtements, j'en avais déjà ; et la dague, je ne savais pas m'en servir (et je n'avais pas envie d’apprendre pour l'instant). Et puis comme ça, si jamais Phaïtos se mettait en rogne contre lui, il aura de quoi se défendre. Même si j'espérais de tout mon cœur qu'il l’accepte parmi les siens.
Bien, j'avais rassemblé tout ça dans la sacoche, que je posa sur le sol à distance respectable su défunt. Je mis mes gants de cuir, j’attrapai un briquet de silex que mon arrière-arrière-grand-père avait fabriqué dans la roulotte, et je frotta les deux morceaux de silex pour générer une étincelle qui mit feu à un fragment d'amadou. Enfin, le bois s’enflamma, mais grâce de la chaleur de l’endroit et de l'état de dessèchement des branches, le tout brûla rapidement en formant des flammes rouges et orangées qui dansaient sur Fretrhibaxevel. Le bois craquait. Je ne suis pas particulièrement émotif, mais de voir mon arrière-arrière-grand-père ainsi au milieu de ce brasier me provoquait comme un pincement au cœur.
« Bon voyage, compère, nous avons fait une bonne promenade... Merci pour tout... », me surprit-je à murmurer.
Soudain, sur le bûcher, je distingua un vague flamboiement légèrement plus clair que les flammes sombres environnantes. C'est ce genre de petits détails que je me plaît à apercevoir. Je remarqua alors que le flamboiement prenait plus de contenance, et d'un coup, il tomba du tas de bois pour rejoindre les braises qui l'entourait. Cet événement peu particulier m’intrigua. Je m'approcha pour mieux voir cette curiosité. C'est alors que je vis un parchemin roulé à moitié mangé par les flammes, qui sombrait parmi les braises. Affolé, je courais allez chercher la gourde de Fretrhibaxevel dans la sacoche, et, paniqué, je réussis à l'ouvrir. Je me versais hâtivement de l'eau sur mes gants, et courant sur Fretrhibaxevel, je me mis à réfléchir à toute vitesse. Car non, ce que je venais de faire et ce que je m'apprêtai à faire n'était pas anodin ni instinctif, mais j'ai toujours trouvé que les situations de danger et de panique prêtai mieux à la réflexion. Enfin, c'est mon avis. Les gants encore trempés et le mains mouillés, je m'approcha de l'objet et que attrapa d'un coup, et que je lança loin du feu. Mais il brûlait quand même le fumier. Alors, je me précipita dessus et j’apposai mes mains ruisselantes sur le rouleau. Avec un crépitement, et une bonne dose de fumée au bout de plusieurs secondes, le feu s’éteignit petit à petit et laissant par-ci par-là quelques flammèches. J'aurais pu essayer de tout éteindre, je pense, mais c'était sans compter la chaleur cuisante qui parcourait mes gants et mes mains, par la même occasion. Je retira mes gants de cuir, et les jeta à terre. Je puis enfin prendre le parchemin mi-brûlé à pleines mains. Enfin, non. Grossière erreur. Poussant un cri, je recula d'un bond et lâcha le rouleau. Je dus attendre quelques minutes, et enfin, je réussis à dérouler le parchemin encore brûlant. Je l'étala par terre pour mieux le distinguer. Toute une partie, celle de droite, était perdue, mais il restait la partie de gauche. Je reconnus l'écriture de mon arrière-arrière-grand-père. On ne distinguais pas beaucoup de mots, certains étaient masqués par des morceaux de suie ou alors par le l'eau qui faisait baver le parchemin. Il était inscrit ceci :
« Cher compère Eranraël,
Je t'adresse ce message, pour que tu puisse **************************
je meure sur le navire **** le voyage jusqu’en ************************
En effet, il y a plusieurs choses que tu dois ***************************
*****************mais attention, *****************************************
ne sortiront pas viv******** avec toi ************************************
je pense que tu verra, c'est à quelques jours de mar*****************
les gens connaîtront, ça s'appelle Cai*******ros***********************
quoi, tu ne sera pas en sécu***** Hors de la *************************
malgré tout, je m'excuse. Mais tu sauras te dé*************************
Voilà, c'est tout, à part peut-être cette chose :************************
Allez, bonne route, méfie-toi de Gaïa, et que Phaït***********************
Amicalement, Fretr********************
PS : trouve-toi des « amis » pour te protéger.************************** »
Je détestait les énigmes qui ne se résolvent pas toutes seules. Et là, il y avait une énigme de la taille d'une maison qui s’installait sur mon avenir. De quoi voulait-il parler ? Qu'y avait-il de si important et crucial à me dire ? Que fallait-il faire ? Je ne savais que penser. Alors, pendant que mon arrière-arrière-grand-père brûlait à feu doux, je m'assis et réfléchis.
Il avait fait mention d'un navire, sûrement celui qui nous emmènerait loin d'Imiftil. Pour ce qui est des « plusieurs choses que je dois » (peut-être « savoir »?), je savait juste que je devais faire « attention », apparemment, et quelqu'un ou quelque chose « ne sortira pas viv » (j'imaginais « vivant », auquel cas c'est encouragent...). Pour la suite, j’avais juste compris que « Cai ***** ros » signifiait sûrement une ville où une région, car on parlait de « jours » au-dessus, sûrement des jours de marche. Aussi, Fretrhibaxevel s'excusait (ah bon ? Peut-être pour son assassinat qui nous a fait prendre la fuite ?), et il fallait que je me trouve des « amis » (autrement dit, des gens en qui on peut faire un minimum confiance). Bon. Vive les informations. Qu'est ce que j'ai pu tirer d'une lettre qui devais m'apporter des réponses à mes questions ? Eh bien d'autres questions. Que des hypothèses, des suppositions, du flou, de l'irréel. Magnifique. Je plia le parchemin et je le rangea dans la sacoche. Je remis mes gants qui avait séchés, et c'est comme ça que je remarqua qu'il s'était passé des heures sans que je m'en rende compte. Fretrhibaxevel n'était plus qu'un tas de cendres et de fumée. Je ramassais ma gourde, je l'attacha à ma ceinture, et je sortit le fourreau contenant l'épée que j’attachai aussi à ma ceinture. Je passa devant Fretrhibaxevel. Et je m’agenouillai. Je ne savais pourquoi. Mais je ferma les yeux un instant et je me retrouva ailleurs. Loin de tout ça... Je rouvrit les yeux et me releva.
« Adieu, Fretrhibaxevel, mon compère... », murmurai-je, avec plus d'assurance cette fois.
La sacoche sur l'épaule, je pris une direction au hasard, sachant que de toute façon j’étais sûrement perdu. Je décida d'aller de l'avant, et de rejoindre le littoral. Il me faut un navire.
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