L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Jeu 1 Nov 2012 20:21 
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Luli était impatiente d’ouvrir la boite qu’elle tenait entre ses mains. Elle se hâta de rejoindre sa nouvelle chambre et s’installa sur le bord du lit. Elle posa le coffre devant elle et l’ouvrit délicatement.

« Oooh… »

A l’intérieur se trouvait un ravissant collier qui émerveilla la jeune fille. C'était un pendentif serti de pierres rougeâtres en larmes qui formaient une sorte de fleur avec au cœur une pierre tout aussi rouge mais ronde. Le bijou ne faisait pas plus de quelques centimètres de diamètre et était fixé à une chaine de couleur argentée.

« C’est magnifique ! »

Elle prit le collier et l’examina avec attention, les pierres brillaient d’un léger éclat qui les rendaient attrayantes. Elle n’avait plus qu’une idée en tête, le porter. Elle se leva et alla à toute vitesse devant le miroir au-dessus de la commode. Elle l'accrocha autour de son cou. Décidément, si elle avait toujours ce genre de rémunérations, elle voulait bien parcourir la ville et bien plus pour le compte des Monbagnes.

Elle observa son reflet dans le miroir, le pendentif suivait plutôt bien avec la couleur de ses cheveux. Elle aimait beaucoup le résultat.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Ven 2 Nov 2012 19:20 
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Quelques jours passèrent pendant lesquels Luli et les Monbagnes apprenaient à cohabiter ensemble. Angus s’était pris d’affection pour la jeune fille et appréciait passer son temps à transmettre son savoir. Il était un véritable littéraire et Luli ne se lassait jamais d’apprendre de nouvelles choses. L’adolescente avait récupéré sa tunique noire et se sentait bien plus à l’aise dedans que dans les robes à frous-frous de Dolorence, bien qu’elles fussent ravissantes. Ses nuits étaient toujours remplies de cauchemars mais ils étaient de moins en moins violents. Elle ignorait toujours de où provenait la richesse relative du couple, n’osant pas aborder la question.


*****


Luli s’ennuyait ferme et alla voir si Angus pourrait lui apprendre quelque chose en cette après-midi. Elle entra dans le salon où il était tranquillement en train de lire un bouquin et l’apostropha d’une petite voix :

« Angus ?

-Oui, qu’est ce qui a, p’tite tête ? Répondit-il tout en posant le lire sur ses genoux.

-J’aimerais savoir… Pourquoi ne pas avoir gardé le collier ?

-Il te va bien mieux à toi qu’à moi, non ? Se marra-t-il. Viens, je vais te raconter une petite histoire… »

Elle le rejoignit et le regarda avec attention, prête à écouter ce qu’il s’apprêtait à dire. Il se racla la gorge et mit en ordre ses idées avant de commencer son récit :

« C’est un collier d’agilité du rôdeur, la légende raconte que la pierre au centre est magique. Certains disent qu’un puissant mage aurait enchanté la pierre dans le but de l’offrir à une archère, sa maîtresse surement, qui devait partir en croisade. Il l’aurait fait dans le but d’améliorer la précision de ses tirs. On dit que la pierre aurait était beaucoup plus puissante jadis, mais qu’avec la mort du mage, les effets s’estomperaient peu à peu. Il paraitrait même qu’il lui aurait fait d’autres bijoux pour éviter les blessures et courir plus vite… »

Il marqua une pause pour s’assurer qu’il n’avait rien oublié puis continua :

« D’autres racontent que ce serait une pierre issue d’une intervention divine, certainement Thimoros, le Dieu de la guerre… Quoiqu’il en soit, le collier te sera plus utile avec ton arbalète qu’à moi. Le bijou en lui-même n’a pas beaucoup de valeurs, mais son histoire est bien plus intéressante. Et puis, je t’avais promis une récompense, non ?

-Oui, oui. Mais, je ne comprends pas, pourquoi avoir été chercher ce collier si vous n’en aviez pas besoin ? Vous ne l’aviez même pas regardé !

-Toute son histoire était sur le parchemin avec le collier. Je n’en ai que faire du bijou. »

Il lui fit un sourire puis replongea dans sa lecture. Ainsi, Luli devait se trouver une autre occupation. Elle alla chercher son arbalète et son capuchon avant de sortir dans la rue.

[L'histoire continue.]

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Ven 9 Nov 2012 21:09 
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"La vérité, c'est comme la gelée kendrane : on peut lui donner la forme qu'on veut, elle aura toujours un goût acide."

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C'est le seul portrait de lui dont je sache l'existence, et que je possède. C'est un portrait sans visage, mais pourtant je suis sûre que c'est lui. Sa silhouette s'y morfond près des cerisiers en fleur, ces mêmes arbres que l'on a coutume de voir dans ce parc, la Bise d'Ynorie, à Kendrâ Kâr. Il avait l'habitude de s'y rendre, et il restait parfois des heures assis sur un banc, à regarder le monde vibrer sous les assauts du vent. Un peintre avait dû le trouver là pendant un de ses moments d'oisiveté, avec son haut chapeau sur la tête, et avait soudain trouvé l'inspiration de dessiner cet être bizarre auréolé de mystère. Ce tableau, c'était tout lui : romantique et singulier.

Le jour de notre rencontre est si loin. Il l'a sûrement oublié. Pas moi.

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Dernière édition par Détective Vidock le Lun 21 Jan 2013 01:40, édité 10 fois.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Mer 14 Nov 2012 15:19 
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[Précédemment.]

Depuis sa sortie à l’hippodrome, Luli était restée terrée chez les Monbagnes, s’appliquant à lire tous les bouquins qu’elle trouvait. Autant dire qu’elle avait de quoi s’occuper, la bibliothèque contenait aisément plusieurs centaines de livres. C’était surtout une bonne excuse pour rester loin du monde extérieur et ne plus rencontrer d’étranges personnages. Elle redoutait un peu le moment où Angus lui demanderait d’aller on ne sait où pour chercher une lettre ou un objet quelconque.

Les Monbagnes qui avaient remarqué le changement d’attitude de la jeune fille essayèrent de lui laisser un peu de temps. Ils pensaient que c’était le mal du pays, qu’elle avait besoin d’un peu d'espace avant de s’habituer pleinement à la vie en ville. Certes, les plaines verdoyantes lui manquaient terriblement mais elle appréciait la vie urbaine.

Quoiqu’il en soit, Luli dut bien vite se ressaisir puisque M. Monbagne lui avait trouvé un petit travail. Il rejoignit ainsi la jeune fille qui était en train de lire et l’interpela :

« Hé, p’tite tête ? J’ai une course pour toi. J’aimerais que tu ailles au Lac de Hynim pour entrer en contact avec un vieil homme qui aurait des informations intéressantes sur un objet magique ! Bref, tu lui dis que tu viens de ma part, il te donnera quelques parchemins et tu pourras rentrer. Pars demain au lever du jour.

-D’accord. Où est-ce que c’est ?

-Je te laisserai une carte, maintenant que tu sais les lire seule ! » Ajouta-t-il en souriant.

Il était fier d’avoir transmis un savoir à la jeune fille. Il la regarda d’un air tendre se disant qu’il aurait aimé avoir une fille comme elle puis s’éclipsa, laissant Luli à sa lecture.

*****


Le lendemain matin, Luli se leva aux aurores afin d’être parée pour son premier périple. Elle était à la fois excitée comme une puce, mais aussi un peu nerveuse. Elle ne voulait pas rencontrer des bandits sur son chemin ou se perdre définitivement dans la Nature. Elle se prépara puis alla chercher les indications qu’Angus lui avait laissée dans son bureau. Elle saisit la petite note qui accompagnait la carte.

« P’tite Tête,

Voici comme promis la carte avec les indications. Passe par la route pour aller aux Duchés des Montagnes puis le chemin vers le lac. Il est peu fréquenté, fais tout de même attention à toi et ne t’écartes pas du chemin balisé. Puisse Zewen faire en sorte que tu ne rencontres pas de bandits !
La maison du vieux Joséphin se situe près de la route, tu ne pourras pas la manquer. C’est la seule à des kilomètres à la ronde. Tu pourras dormir chez le vieux Joséphin si tu en as envie avant de reprendre la route.
Ne traine pas sur la route, essaie de te trouver des endroits tranquilles où dormir mais gare aux bêtes qui pourraient t'attaquer.
Je t’ai laissé une petite surprise au pied du bureau, tu en auras surement bien besoin, regarde !

Angus. »


Luli posa le papier sur le bureau et se pencha pour chercher « la surprise ». Elle aperçut une paire de bottes noires dans un cuir épais et solide. L’intérieur était fourré ce qui leur permettaient d’être à l’épreuve de toutes les intempéries.

« Waoooouh ! » S’exclama-t-elle tout en prenant les bottes dans ses mains.

L’adolescente s’empressa de retirer ses vieilles bottes pour les troquer contre les deux petites merveilles qu’Angus lui avait offertes. Elle observa le résultat longuement, plus que ravie.

« Bon, faut pas que j’oublie d’y aller, moi ! »

Elle secoua la tête légèrement comme pour se reprendre. Elle emporta les instructions ainsi que la carte avant de sortir de la maison avec un sac rempli de vivres et autres matériels utiles pour le périple.

[L'histoire continue.]

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Dernière édition par Luli le Mar 18 Déc 2012 19:19, édité 5 fois.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Lun 19 Nov 2012 23:38 
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Le quartier au alentours du temple de Thimoros regorgeait de maisons toutes plus semblables les unes que les autres. Oryash poussa un soupir. Finalement retrouver Melron ne serait peut-être pas aussi facile qu'elle l'avait d'abord pensé. Assise sur son destrier, elle chemina à travers des diverses rues et ruelles dans l'espoir de dégoter un petit indice qui le mettrait sur sa piste. Elle eut beau demander à quelques passants s'il avait vu un homme correspondant à la description qu'elle leur fit, mais rien, pas un seul résultat positif. Elle se demanda si le marchand des docks ne lui avait pas menti. Elle eut un autre soupir et flatta l'encolure de sa monture.

" Mon pauvre Herumor, voilà qu'après cette longue chevauchée je te met encore à contribution. Il serait peut-être temps que je pense à toi et que tu trouves un repos bien mérité aux écuries. Allez en route, nous nous sommes assez attardés."

Ni une ni deux, la peau blanche fit faire demi tour à son destrier. Après tout Melron pouvait bien attendre encore quelques heures et puis il se pouvait fort bien qu'il ne soit plus en ville. C'est donc un peu résigner qu' Oryash prit la direction des écuries. Elle remontait la ruelle qu'elle avait empruntée quand elle fut apostrophée par une voix qu'elle connaît fort bien.

"Alors comme ça, on me cherche!"

Melron, oui c'était bien sa voix. Oryash se retourna vivement en selle et l'aperçut campé contre un mur les bras croisés. Son indescriptible sourire sur le visage. Elle aurait juré que quelques secondes auparavant personne ne se trouvait là, mais à présent comment justifier sa présence et surtout d'où diable sortait-il?

Oryash revint donc sur ses pas et arrivée vers Melron ni pieds à terre.

"Melron, on peut dire que tu es difficile à trouver."

"A mon avis pas tant que ça puisque tu as su où chercher. Mais par Fenris dans quel état tu es! A croire que tu as livré bataille il y a peu."

L'homme ne pensait pas si bien dire. Oryash eut une petite moue ne sachant que répondre. Une moue que Melron connaissait fort bien. Aussi leva-t-il les yeux vers le ciel.

"Oh je vois que j'ai fais mouche. Allez viens, ne restons pas là. J'habite à deux pas."

Oryash eut un sourire en demi teinte. Il était toujours étrange pour elle de se trouver près de lui, alors qu'elle l'avait cru mort durant toutes ses années. L'homme commença à s'éloigner dans la ruelle et Oryash hésita quelques secondes à le suivre avant de lui emboiter le pas, entrainant son destrier dans son sillage.
Tout en cheminant elle le questionna.

"On dirait que la vie te réussie pas mal vu le quartier où tu loges."

Melron eut un petit rire.

"Il est vrai que je n'ai pas à me plaindre, les affaires marchent bien. Mais je pourrais en dire tout autant de toi, membre de la rose sombre, c'est pas mal non plus.

Oryash stoppa nette. Elle se demanda ce qu'il pouvait savoir d'autre à son sujet. Puis elle reprit la route, le rattrapant et marchant à ses côtés.

"Ainsi donc, tu es au courant."

" Oryash, je te connais depuis bien trop longtemps pour savoir que tes talents ne seraient restés inexploités bien longtemps. Alors à part le temple de la rose sombre, je vois pas qui aurait pu te recruter. J'ai pensé un moment me joindre à eux, enfin cela remonte à bien des lunes à présent.

Ils marchaient silencieusement à présent et bientôt Melron stoppa devant une habitation d'allure fort respectable. Il sortit une clé de sa poche de pantalon, l'introduisit dans la serrure, fit deux tours et ouvrit la porte.
Cette dernière s'ouvrit sur un patio.

"Allez entre, il y a suffisamment de place pour ta monture également. Inutile de la laisser dehors à la vue de tous, je ne tiens pas à ce qu'on sache où j'ai mes quartiers."

Oryash pensa que Melron devait s'adonner à des activités plus ou moins douteuses. En un sens ils étaient du même bois. La belle jeta un oeil sur le patio. Il était de facture fort simple mais spacieux et ombragé. Elle pensa que durant la belle saison il devait faire bon s'y détendre.

"Laisse vagabonder ta monture et suis-moi."

Il l'invita à entrer dans la maison.

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Dernière édition par Oryash le Lun 26 Nov 2012 23:34, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Lun 26 Nov 2012 22:59 
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Oryash entra donc dans la demeure de Melron et quelle ne fut pas sa surprise de trouver un intérieur cosy et chaleureux à souhait. Bien loin des conditions de vie que tous deux avaient sur Nosveris. Une grande table trônait au milieu de la pièce principale, entourée de deux bancs recouverts de coussins moelleux. Un âtre où siégeait devant deux fauteuils confortables. Un tapis de bête au sol et un coin repas bien équipé. On pouvait dire que le Phalange de fenris avait su s'aménager un espace de vie pour le moins correct. Oryash passa en revue chaque éléments comme si tout ça n'était qu'un rêve. Melron se rappela alors à son bon souvenir.

"Oryash? Ca va? Tu sembles ailleurs."

"Hein?! oui ça va merci. ne t'inquiète pas."

"M'inquiéter! Moi? Comme si c'était dans ma nature."

Un rire qui raisonna dans toute la maison.

"J'avoue que te voir ici me surprend un peu. Tu n'étais pas du genre à te fixer.

"Comme quoi tout change, même moi. Par contre toi...."

Sa phrase demeura en suspend.La peau blanche sourcilla avant de s'approcher de l'un des fauteuils.

"Si tu permets."

"Je t'en prie fait comme chez toi. Je t'offre un verre ou quelque chose à manger?"

"Un verre de lait si tu as, si ce n'est pas trop te demander."

Melron acquiesça et. Quand le verre fut rempli, il revint vers elle et le lui tendit avant de prendre place dans le second fauteuil.
Il l'observa longuement et constata qu'elle avait changé. Certes pas physiquement puisqu'elle était toujours aussi magnifique, mais dans son comportement. Elle semblait plus agressive, et plus brutale qu'elle ne l'était jadis. Le temple y était sans doute pour quelque chose. On avait du lui demander de laisser parler sa sauvagerie et Oryash s'y était abandonnée et la magie noire n'avait pas du arranger ça. Il se rappela que la guerrière avait toujours aimé l'odeur du sang et se battre , mais à présent cela paraissait une évidence.

"Que t-ont-ils fait Oryash? Pourquoi une telle soif de sang dans ton cœur? As-tu t'en souffert pour en arriver là?

Trois questions toutes simples et qui demandaient des réponses. Oryash posa son regard rubis sur Melron et eut un demi sourire feint.

" Tout à changer après ta prétendue mort. Je me suis sentie seule et abandonnée. Je n'avais plus personne vers qui me tourner. Je me suis jetée à corps perdu dans l'art et la manière de tuer et de chasser. Très vite mes aptitudes ont fait de moi une guerrière égalant les plus forts de notre meute. Seulement cela à aussi révéler la femme que j'étais et cela contribuer à ce que le mal dominant de notre clan me choisisse afin que je porte son éventuelle progéniture. Je me suis rebellée contre ça et les nôtres mon fait comprendre de manière forte que je n'avais pas le choix. J'ai donc subit cette humiliation en serrant les dents et j'ai fuis dès que j'en ai eu la possibilité car je refusais de subir ça une fois de plus. J'ai fuis sans me retourner, emportant le peu que je possédais, abandonnant la meute et tout ce en quoi je croyais.
J'ai tout quitté en me jurant de ne jamais remettre les pieds dans notre clan. Plus personne ne dominerait ma vie et je serais mon propre dominant. J'ai errer dans les contrées de Nosveris sans réel but. Et puis un beau jour j'ai pris le large et j'ai échoué à Kendra-kâr. Depuis, je rends quelques services au temple et en retour je reçois quelques compensations. Peu de questions, des actes, des personnes sur qui compter, il ne me faut rien d'autre pour le moment.


Melron serra les poings, en colère après ce qu'il venait d'entendre. Il n'aurait jamais penser que celle qu'il avait tant aimé ait subi autant de la part de leur clan.

"Oryash si tu savais combien de fois, j'ai pu pensé à toi alors que j'étais blessé. J'ai erré entre la vie et la mort durant des semaines. Ce qui m'a permis de tenir c'est l'espoir de pouvoir te revoir un jour. Quand ce jour est enfin arrivé, je n'ai trouvé qu'amertume et rancœur auprès des nôtres. Tous me croyaient mort, aussi imagine leur surprise quand j'ai réapparu. Après quelques jours, j'ai sollicité ta présence et on m'a fait sous entendre que tu n'étais plus la bienvenue parmi notre clan. Que tu nous avais trahi et avait été bannie. Je constate que tout ça est faut. Comme je leur en veux de m'avoir menti. J'ai quitté la meute peu de temps après, pensant pouvoir te retrouver afin de savoir le fin mot de l'histoire, mais j'ai erré sans but durant des mois, sillonnant nos terres sans résultats.
Puis il y a de cela quelques mois, j'ai attéri à kendra kar où je me suis vite trouver de quoi m'occuper et me voici installé. Je ne pense pas reprendre la route un jour, sauf si je trouve une réelle motivation.


En prononçant ses mots, il regarda Oryash. De toute évidence il éprouvait encore des sentiments pour la peau blanche. Il se leva de son siège, s'approcha d'elle et s’accroupit. Il posa alors une main sur la sienne et elle tressaillit légèrement comme si ce contact venait de la ramener des années en arrière.

"Oryash, il suffirait d'un mot de ta part pour que tout change. Tu ne peux poursuivre ainsi, sans amis, sans amour. Regardes-toi, la colère qui est en toi te consume de l'intérieur. Combien de temps crois-tu pouvoir tenir ainsi?

Elle ôta sa main de la sienne et le fixa ardemment.

" Ce que tu me proposes est tentant il est vrai, mais je ne suis plus la même. Bien que te revoir vivant me remplisse de joie, je ne puis accepter ton offre. Nos routes se sont séparées et aujourd'hui je n'entends pas me lier à quelqu'un. Quand à ma vie, elle me convient. Et puis qui voudrais qu'une chevalière du chaos?
Thimoros m'investit et j'avoue que la puissance qu'il m'insulfe, m’enivre. Je suis sa main armée en ce monde et j'ai encore du mal à l'accepter. J'ai toujours rejeté la magie alors à présent qu'elle fait partie de moi, j’apprends à la maîtriser tant bien que mal. Je n'oublie pas que sans toi, je ne serais plus. Tu m'as forcé à prendre des fluides et c'est ça qui m'a sauvé ou damné, c'est selon. En cela, je te serais éternellement reconnaissante.
Mais cessons de parler de moi. Parle-moi de toi, de ta vie en cette cité, de tes nombreuses conquêtes car je ne doute pas que bon nombre de filles doivent te courir après. "


Melron eut un sourire en coin.

"Oryash j'ai toujours eu du succès aux femmes, tu le sais. Mais tu sais aussi que je ne suis fidèle qu'à une seule, une fois mon choix fait. J'avoue que pour le moment je profite des opportunités qui s'offre à moi .Je n'ai nulles attaches qui pourraient m'en empêcher.

Une fois encore, il posa un regard chaleureux sur la peau blanche.

" Pour ce qui est de cette maison et bien je l'ai acheté il y peu. Quand à mes combines, elles me rapportent suffisamment pour bien vivre. "

"Des combines? Tu es sur? Je penserais plutôt que tu baignes dans l'illégalité en trafiquant avec des personnes peu recommandables. Je ne te juge pas, car j'en ferais tout autant."

Soudain un hennissement dans le patio. Oryash sursauta et se leva précipitamment tandis que Melron faisait de même. Bientôt un grognement se fit entendre et la peau blanche se précipita dehors suivit de près par Melron, main sur la garde de son épée.Là, devant elle le woger, tandis qu' Herumor trépignait.

"Par Fenris!
pesta Melron. Cet animal est encore avec toi! Quand te décideras-tu à lui rendre sa liberté?"

Elle se tourna vivement vers lui.

"Il est aussi libre que toi et moi Melron! Alors abstient toi de me faire se genre de remarque.

Le ton était sec et tranchant comme le serait la hache du bourreaux. Une étincelle de colère brilla dans les prunelles de la belle.

"J'entends le ramener sur Nosveris dès que j'en aurais la possibilité. Il sera bien mieux sur nos terres gelées qu'ici."

Elle s'avança vers le woger et lui gratta le front. Le caressant comme un gamin aurait pu caresser un chien.

"Je vais partir à présent, je ne me suis que trop attardée. Merci de ton hospitalité Melron."

Oryash attrapa son destrier par les rennes et se dirigea vers la porte qui donnait sur la rue.

"Oryash attend!"

La peau blanche se retourna vers lui.

"Ai-je une chance de te revoir?"

"La cité n'est pas si grande. Au besoin, tu sauras me trouver au temple. Au revoir."

Elle ouvrit la porte et la franchit sans se retourner, laissant Melron seul dans le patio. Il s'avança jusqu'à la rue, regarda un instant la peau blanche s'éloigner avec ses compagnons à quatre pattes et referma la porte.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Lun 3 Déc 2012 03:32 
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J’atterris lourdement sur le toit pentu, usant de mes griffes et de ma queue pour me stabiliser, non sans faire voler une tuile ou deux hors de leurs emplacements. M’orientant rapidement en repérant les bâtiments dominants comme le palais ou les lieux plus vides comme la bise d’Ynorie, je pus deviner sans trop perdre de temps la direction à prendre pour aller à l’Est. Ma fuite laissa les miliciens du clocher sur place, incapables de poursuivre sans perdre énormément de temps, tandis que je filai sur les maisons agglutinées en un réseau dense.

Tantôt à quatre pattes, tantôt sur deux jambes, j’avançais au pas de course, passant de toit en toit et bondissant au-dessus de rues étroites pour continuer ma progression. Dans cette course presque aérienne, je laissai la vitesse et le vent me griser un bref instant. Mais j’avais du mal à apprécier quoi que ce soit après la tragédie que je venais de subir. M’accorder ce moment agréable avait ravivé le coté humain de l’être que j’étais à présent et cela ne faisait que renforcer la peine qui me dévastait. Je préférai alors me concentrer sur ma mission pour ne plus penser, ni à mon sort, ni à Kristal.

Courant sans perdre de temps, je ne fus pas repérer par d’autres personnes. Les gens regardaient rarement en l’air et les miliciens n’avaient pas encore eu le temps de répandre la nouvelle. Arrivé dans les environs de la taverne des sept sabres, je trouvai des bâtiments plus bas et plus délabrés. Les murs sales et les ruelles encombrées affichaient clairement la dégradation du quartier. La population y était aussi ostensiblement plus pauvre et l’ambiance poissée aurait pu illustrer parfaitement les histoires sordides sur les rues crapuleuses de Tulorim.

(Alderick Blem, un marin… )

J’avais choisi comme lieu d’arrivée la façade terne et sobre de la taverne dont la réputation décadente attirait, d’après les on-dits, des malfrats de toute sorte, mais surtout des marins en quête de fête. Prudemment, je descendis dans la rue en une série de sauts entrecoupés par des accrochages éphémères sur les murs. Peu fréquentée en milieu d’après-midi, la venelle était déserte pour le moment. Aussitôt, je me collais à la façade de la taverne pour jeter un œil inquisiteur à travers la vitre crasseuse qui apportait un peu de lumière au bouge.

A l’intérieur, on pouvait voir quelques badauds en train de siroter des bières au comptoir. Des torkins saoules s’agitaient autour d’une table, semblant fêter quelque chose. Je ne savais pas à quoi ressemblait ma cible, mais je savais qu’instinctivement, je saurais le reconnaitre s’il me faisait face. Mais en tout cas, personne dans cette taverne à moitié vide ne m’inspirait. Déçu par l’échec de cette piste loupée, je restai un moment à contempler le verre salie, sans voir les gens qui arrivaient dans mon dos. Un cri étouffé me prévint d’une présence et je me retournais dans un sursaut. Face à moi, deux jeunes marchaient dans la rue et s’était stoppé en m’apercevant. Ils ne semblaient pas très dangereux et la manière dont ils dégainèrent leurs dagues affichait leur inexpérience, mais ils étaient gorgés de courage. Plutôt qu’une fuite judicieuse, ils me foncèrent dessus, lames en l’air.

Dérouté, je réagis par réflexe, me surprenant moi-même. J’évitai la première attaque d’un mouvement rapide sur le coté, puis ma queue traça un mouvement fulgurant pour transpercer de sa lame le torse du second assaillant qui chuta après le choc. Crachant du sang, il pressait bêtement ses mains contre sa poitrine pour contenir la blessure qui empourprait ses habits. Je vis alors une aura noire l’entourer. Je sus alors que c’était l’ombre de la mort qui le touchait. Il n’en n’avait pas pour longtemps.

« Non ! »

A coté de moi, son compère s’affolait à juste titre face à la blessure de son ami. Je tournais mon visage vers lui, lui jetant un regard noir en espérant qu’il se taise. Je ne compris pas bien alors ce qu’il se passa, mais j’en discernai quelques lignes. Je sentis ma volonté se projeter par mon regard et écraser la piètre résistance mental du jeunot. Il s’effondra, heurtant le sol terreux dans un bruit sourd, sans vie.

(Je l’ai tué d’un simple regard ! Quel genre de monstre suis-je devenu ?)

Les bruits du combat bien vite réglé et les gémissements d’agonie du blessé allait attirer rapidement du monde et je devais lever le camp. Je grimpai à une façade et filai vers une autre rue avant même que la porte d’une maison s’ouvrit.

Ma mésaventure me mena à reconsidérer ma manière de faire. Je me planquai à l’ombre d’une haute cheminée pour réfléchir, mais je ne trouvai aucune solution.

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* Lillith, humain, Aurion et Cryomancien nv23 *
En mission pour les Amants de la Rose Sombre


Feu Ellana : morte dans les flammes du Purgatoir, hantant les lieux à jamais
et arborant ses tendancieux 6969 messages dans les archives de Yuimen


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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Lun 3 Déc 2012 14:05 
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[:attention:] Ce rp contient des évocations gores pouvant choquer les plus jeunes et les personnes sensibles [:attention:]


Mon errance sur les toits durant encore deux bonnes heures, à passer de cachette en cachette, épiant les rues à la recherche de ma cible. J’évitai les alentours de ma précédente scène de combat pour éviter de me faire repérer par des gardes et tournai dans le reste du quartier dans l’espoir que quelque chose se passerait.

Mes investigations furent creuses un bon moment, mais elles me permirent de comprendre un peu mieux une de mes capacités. Mes yeux pouvaient voir quand la mort s’approchait de quelqu’un. En plus du jeune que j’avais mortellement blessé, je pus apercevoir à nouveau le halo d’ombre autour de quelques personnes âgées, aux cheveux blancs et à la démarche tremblotante, ainsi que sur une fille de joie qui toussaient à rompre ses poumons.

Le soleil déclinait lentement et je commençais à désespérer de trouver ma victime avant la nuit. Mais au bout d’un moment, je vus du coin de l’œil une lueur rougeoyante dans les circonvolutions d’une ruelle serpentant entre les habitations. Curieux, je m’approchai et découvrit que c’était une aura qui ceignait un homme bourru, au visage fermé et aux bras couverts de tatouages. Instantanément, je sus ce que cette auréole pourpre signifiait.

(Alderic… Nous nous rencontrons enfin.)

Tel un rapace, je le guettai un moment, cherchant le bon moment pour piquer dessus. Mais les rues qu’il empruntait n’étaient pas vides et trop de témoins étaient présents. En attendant, je détaillai les spécificités de ma proie. Bien charpenté, le marin arborait son métier physique dans ses mains calleuses et quelques menues cicatrices. Sa moue patibulaire montrait une agressivité latente, ainsi qu’un profond mal-être. Il avait un couteau à la ceinture, mais je doutais qu’il puisât s’en servir correctement aux vues de sa démarche légèrement titubante : il était clairement imbibé, alors que la soirée n’avait même pas commencé.

Je finis par perdre patience et, craignant ne pouvoir lui faire face seul et qu’il rejoignît des artères bien plus fréquentées, je décidai de passer à l’attaque. Je bondis dans la rue pour me réceptionner adroitement. Brisant le silence et la discrétion, je poussai un rugissement, une sorte de cri rauque mêlant la force de celui de l’ours et la colère du chien enragé. Les quelques passants présents se retournèrent vers moi et eurent des réactions radicales. La plupart fuirent, mais un couple à vingt mètres demeura pétrifié face à la vision d’horreur.

(Vous ne fuyez pas ? Pourtant ça va empirer…)

Acculé contre un mur, Alderic me fixait, médusé. Sa main alla nerveusement rejoindre son poignard tandis que son autre bras s’interposa devant son visage pour se protéger. Le métal eut à peine le temps de crisser dans son fourreau que j’envoyai un coup de griffe violent vers son bras. La lacération lui fit lâcher immédiatement son arme et il plaqua son autre main sur son avant-bras pour éviter un flot de sang. Il poussa un cri de douleur, mais je l’interrompis dans ses vocalises par une nouvelle attaque nette et précise. Ma lame caudale fendit l’air en un chuintement et le tranchant chitineux ouvrit la gorge du marin.

Le pauvre homme, qui n’avait pas du comprendre ce qui lui arrivait, s’effondra contre le mur, se vidant de son sang en quelques instants. L’aura rouge s’assombrit avant de disparaitre, mais je savais que ma mission n’était pas finit. C’était inconscient, voir inscrit dans les réflexes mêmes du monstre que j’étais devenu, mais je savais que ce n’était que le premier pas.

Avec la précision d’un boucher, je frappai de ma queue plusieurs fois la poitrine de l’homme, au point de briser quelques côtes sous le choc. Puis, d’un geste sûr, je plongeai mon bras avec violence dans le buste martyrisé et arrachai sans pitié le cœur encore chaud du marin. Avec une voracité soudaine qu’une partie de moi réprouvait avec dégoût, j’enfournai le viscère dans ma gueule béante et l’avalai. Je sentis une drôle de chaleur dans mon ventre, presque douloureuse.

(C’est fait…)

Le couple avait finis par s’enfuir, ne voulant pas devenir les prochaines victimes du monstre, mais une certaine agitation revenait dans les environs. Je ne devais pas trainer ici et je repris la fuite. Avec quelques prises, je remontai sur les toits pour m’éloigner au plus vite. Après avoir franchit quelques rues, je trouvai un vieil entrepôt désaffecté qui pouvait me servir de planque le temps de voir venir. J’y entrai par une béance dans les hauteurs et rejoignis le sol pour enfin me reposer.

Je me sentais mal et mon ventre me tourmentait. Non seulement il me lançait dans des hoquets désagréables, mais je sentais que ce n’était pas juste le cœur, mais aussi l’âme d’Alderic que je digérais. Sa rage et sa violence remuait en moi et je commençai à ressentir les émotions fortes qui avaient gravés sa personnalité.

Je perçus la souffrance et la peur qui avait pétri son enfance, la convoitise et l’ambition qui l’avaient poussait à fauter plus d’une fois, la douleur d’une trahison qui l’avait brisé... Cet homme, placide ivrogne déambulant dans la rue, était une boule de rage et d’aigreur. Je compris un peu mieux le rôle que Phaitos m’avait confié. Alors que je « digérais » cette âme, j’épuisai les tourments qui la remuait et en faisait une âme en colère. Et par sa vie sombre, Alderic était un bon candidat. Je soulageai ainsi Yuimen d’une âme en peine substantielle, qui aurait pu, en mourant plus tard, alimenté le déséquilibre craint par le dieu des morts.

Réalisant la part que je devais prendre pour Phaitos, je fus frappé par la situation. C’était une tâche gargantuesque qui m’attendait, sur une route pavée de morts et d’horreurs. Dans un silence étouffé, j’étais pris d’un désarroi sans fond et voulu pleurer. Mais ce nouveau corps ne pouvait pas libérer de larme et ce fut intérieurement que je vivais ma souffrance.

Après quelques instants d’apitoiement, je sentis une perle salée rouler sur mon visage. Surpris, je constatai alors que j’avais repris ma forme humaine sans m’en rendre compte.

(C’est incroyable ! Je… Je ne serais pas un monstre en permanence.)

Cette heureuse nouvelle ne suffit pas à apaiser mes malheurs et j’avais toujours besoin de réconfort. Mais maintenant, je pouvais quitter cette bâtisse glauque. Mes pensées se dirigèrent alors directement vers Cromax. J’avais besoin de sentir ses bras pour qu’il éloigne ma peine.

(Pulinn aura sûrement de ses nouvelles maintenant !)

Ravivé par l’espoir d’une étreinte salvatrice, je relevai la barre bloquant les portes et entrouvris un battant pour filer dans les rues. Il ne me restait plus qu’à rejoindre le temple. Tout en marchant, je sentais encore un poids dans mon estomac, mélangeant l’horreur de ce que j’avais fait et de ce qui m’attendait encore, au bon vouloir de l’implacable Phaitos.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Lun 31 Déc 2012 17:48 
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Le retour à la conscience est un parcours lent et progressif. Curieusement, l’odorat est le premier à répondre à l’appel, à transmettre des informations sur l’environnement extérieur à ce corps allongé sur une paillasse, dans le recoin sombre d’une pièce guère plus lumineuse. Des parfums de plantes séchées saturent l’atmosphère, comme si l’on avait ouvert un immense herbier. A mesure que le nez s’habitue, certaines senteurs s’affirment, et cette confusion olfactive se voit quelque peu ordonnée. Les fleurs tout juste rentrées, encore gorgées de sève, diffusent leurs fragrances avec une forme de violence ; il en va de même pour certaines plantes aromatiques. Mais l’illusion de la fraîcheur qu’elles offrent est de courte durée, le reste de vie qu’elles conservent ne durera pas, et ne suffit surtout pas à supplanter totalement des concurrentes plus discrètes. En lisière de cette hégémonie provisoire s’organise toute la palette des simples qui ont déjà derrière elles un hiver, peut-être deux, probablement suspendues par bouquets aux poutres, placées dans des paniers, dans des bocaux, dans de petits pots de terre, telles que produites par la nature. Enfin, les signes d’une activité humaine, parfois puissants, parfois discrets, toujours provisoires : les vapeurs de la distillation, les arômes libérés par des graines broyées, le fumet d’un plat cuisiné.

Vient ensuite la douleur, et avec elle le toucher, cruel. La peau s’éveille, découvrant ses meurtrissures, ses déchirures, sans parvenir à en oublier l’existence. A la simple souffrance s’ajoute le tourment des démangeaisons que rien ne calme, les tiraillements de la peau qui se referme, la résistance des muscles et des os aux plus petits mouvements, pour l’heure limités à la respiration et aux tressaillements machinaux face à certains stimuli. Rares mais intenses, ils n’ont pas d’origine identifiable, avant que n’émerge des ténèbres des lambeaux de conscience pour les révéler : la couverture que l’on tire sur le cops n’a rien des baumes que l’on applique sur les ecchymoses, il y a la caresse des compresses d’eau fraîches, la nourriture et les breuvages que l’on fait pénétrer dans le gosier, quelques autres encore. Comme si cela ne suffisait pas, la mémoire de la chair se fait sentir, par des scènes-souvenirs, vives comme l’éclair, et à nouveau les coups pleuvent, tirant des gémissements de cette gorge silencieuse, premiers sons depuis l’incident.

Le bourdonnement désagréable par la suite s’éteint, et débarrassés des pansements et des croutes de sang, les pavillons auriculaires recueillent de nouveau la musique du monde. Le rythme du pilon dans le mortier est commun, assourdi par la matière broyée ; le goutte à goutte de l’alambic cesse rarement, tout comme le crépitement du feu ; aux aromes d’une tranche de lard en train de griller dans l’âtre vient se superposer son grésillement plein d’invite, chargé de souvenirs. Les voix ne sont pas en reste, derniers sons perçus avant la plongée dans le noyau de noirceur, elles ont tardé à revenir chatouiller les cordes de la compréhension, et cette stimulation n’a qu’un effet modéré : ce qui est dit ne dit rien à qui écoute. Cependant, le temps aidant, un mot retrouve du sens, puis un autre, un autre encore ; tout d’abord, l’esprit en éveil procède par associations : ce qu’on lui fait ingurgiter redevient « brouet », il a une odeur, une saveur, il est chaud, il a une texture. Le liquide amer qui coule entre ses lèvres se voit attribuer le terme « infusion » en premier lieu, quelques gorgées suffisent pour qu’on lui ajoute « saule », le sucré qui le rend un peu plus agréable est « miel ». Les progrès, sans être fulgurants, s’accélèrent, s’organisent comme une avalanche de pierres : quelques petits rochers se sont mis en mouvements, ont entraîné des masses immobiles, sans ordre aucun, sans logique apparente, tout revient.

Enfin, la montagne est nue, la poussière retombe, dans la vallée, nul chaos rocheux, mais un labyrinthe complexe, parfaitement ordonné, formé par toutes ces pierres ayant chacune trouvé au terme de leur chute leur place. Toutes les conditions sont réunies pour l’éveil.

Les deux yeux de Caabon s’ouvrent dans la pénombre. Les minutes filent tandis qu’ils s’habituent au peu de lumière qui filtre des fenêtres éloignées, au rougeoiement des braises dans la cheminée proche. L’aspect du lieu ne le surprend guère, son inconscience comme un rêve éveillé l’a préparé à émerger dans cette herboristerie, le refuge de quelque passionné des plantes et des potions, où se déploient les secrets de la vie et de la mort au sein de fioles anodines, de discrètes boites de poudres, de pâtes d’apparence inoffensives. Cependant, les choses ne se font pas seules, un être préside à la récolte, au tri et à la transformation, un artiste compose poisons et antidotes, un savant distingue les bons effets des néfastes. De taille moyenne, l’âge l’a marqué sans le faire ployer : son visage est ridé sans que cela n’ait éteint l’intelligence de son regard, ses cheveux blancs forment une toison fournie qu’il noue en catogan sur sa nuque, son maintient est droit et sa carrure respectable, si ses mouvements sont plus lents que dans sa jeunesse sa force n’est pas encore éteinte, sans peine il se plie à toutes les exigences de son métier. Son ouïe ne l’a pas non plus trahi, aussi perçoit-il les grondements sourds de son patient qui cherche désespérément à prononcer des mots, exercice dont il a perdu la maîtrise. Reposant son hachoir à double lame sur le billot, il cesse son ouvrage pour rejoindre d’un pas mesuré la paillasse qui occupe depuis trop longtemps à son goût un coin de son atelier.

Avec l’aisance de l’habitude, il soulève la tête du wotongoh et fait couler entre les lèvres noires à l’aide d’un pichet à bec long une potion de son cru ; les yeux d’un bleu de glace du vieil homme croisent pour la première fois les iris obscurs de son patient, dans lesquels il croit lire une profonde reconnaissance. Le breuvage qu’il vient de servir à ce jeune homme a pour fonction de ranimer la voix, de favoriser l’élocution : il en conserve toujours une petite provision l’été, et n’en commence une importante production que l’hiver venu, lorsque le froid vient prendre à la gorge des individus pour qui il est nécessaire de pouvoir s’exprimer.

« Merci… »

La voix de Caabon est enrouée, le mot déchiré comme s’il avait franchi un boyau trop étroit, parsemé d’arrêtes acérées. Pourtant, il a réussi à le prononcer de telle sorte que son interlocuteur comprend qu’il ne s’agit pas là d’un remerciement pour le breuvage, mais bien pour tous les soins qui lui ont été prodigués.

« Qu’est-ce … qui … m’est arrivé ? … Qui … êtes-vous ? »

L’apothicaire prit une grande inspiration avant de commencer son récit. Cette question, il l’a attendue, il se doutait qu’elle viendrait bien assez tôt, et qu’il lui faudrait y répondre de son mieux, en n’omettant rien.

« Je me nomme Théoperce, et je suis guérisseur. Tu es ici chez moi, dans ma maison, qui est également mon atelier et ma boutique. Un garde de la milice que je connais t’a amené chez moi, à demi-mort, tabassé selon ses dire par une bande d’ivrogne qui voulaient mettre hors d’état de nuire un serviteur d’Oaxaca. Tu étais très mal en point, alors j’ai fait venir un prêtre dont les pouvoirs ont pu réparer les lésions sur lesquelles je ne pouvais rien. Pour le reste, bandages, potions, pommades ont fait leur œuvre, mais c’est surtout le temps qui t’a sauvé la vie. Voilà un mois que je te maintiens plongé dans un sommeil artificiel réparateur, de telle sorte que ton corps puisse œuvrer en paix à sa réfection, alimenté par tout ce que ma science pouvait lui fournir. J’ai cessé il y a une semaine de cela de te faire prendre la potion de sommeil, aussi es-tu revenu progressivement à la conscience. Cependant, j’avoue ignorer quels peuvent avoir été les effets d’un tel traitement sur ton esprit, c’est la première fois que je maintiens quelqu’un dans cet état aussi longtemps, jusque là aucun de mes patients n’avait dépassé une semaine d’inconscience, et ils ne leur fallait guère plus d’un ou deux jours pour reprendre tout à fait pied dans la réalité. Une semaine… c’est énorme, je craignais que tu ne reviennes pas, et de devoir à nouveau recourir à l’un de ces magiciens… »

« J’ai dormi… un mois… »

« Un mois, plus ta semaine de réveil. Et crois moi, ce n’est pas de trop. Si tu te sens faible, rien de plus normal, mais au moins, tu es guéri, ou presque. Au pire, il te reste quelques bleus, et une plaie à la jambe qui ne s’est pas encore tout à fait cicatrisé. En fait, un de tes agresseurs devait penser qu’en plus des coups de pieds, un petit coup de couteau devait s’avérer salutaire. Heureusement, la lame n’a pas sectionné d’artère, sinon je ne donnais pas cher de toi… »

« Un mois… »

« C’est fascinant, n’est-ce pas ? Ah, je vais pouvoir rédiger une note à ton sujet ! J’ai déjà soigneusement répertorié tous les maux dont tu souffrais, consigné la manière dont je t’ai traité, et maintenant, le temps que tu te remettes, je vais pouvoir observer les résultats. J’aimerais surtout que tu me dis comment tu te sens, que tu me signales si tu penses avoir des trous de mémoire, si tu ressens encore des douleurs, si tes sens sont altérés, si… »

« J’aimerais… me lever… »

« Tu ne peux pas encore, il va falloir que tu réhabitues tes muscles au mouvement, et que tu te nourrisses convenablement. Tu n’es pas encore sorti d’affaire, tu es trop faible pour faire n’importe quoi. »

« Je souhaiterais… »

A l’air gêné de Caabon, Théoperce répondit par un sourire amical, et lui tendit une bassine avant de retourner à ses préparations, le temps que le wotongoh fasse son affaire. Il lui expliquera par la suite qu’il s’était occupé de lui de bien des manières, l’avait lavé, frotté avec des herbes vivifiantes pour éviter à sa peau de mourir sous son poids, nettoyé ses excréments lorsqu’il faisait sous lui. Ses soins furent ceux d’une mère pour son enfant, même si aucun lien affectif ne s’était établi entre lui et son patient. Ce qu’il a fait, il l’a fait pour des raisons qui lui sont propres, raisons qu’il ne s’est pas empressé de dévoiler. Toute son attention se porte maintenant sur la manière dont Caabon se remettra de sa guérison, et comment il pourra retrouver des forces. Déjà lui sont venues des idées de remèdes fortifiants, de nouvelles associations de plantes, d’exercices salutaires. Eclairé par une lampe tremblante, il s’est mis à l’œuvre sitôt sa première conversation avec le convalescent achevée, inscrivant sur des pages volantes de parchemin chacun de ses essais pour en garder la trace lorsqu’il ferait la synthèse de cette expérience.

De son côté, Caabon n’a pas cherché à plus comprendre le vieil homme, toute son attention et toutes ses forces sont tournées vers la nécessité de retrouver son autonomie physique, sa forme passée, dut-il s’épuiser chaque jour au point de tomber régulièrement dans un sommeil profond. Chaque membre, chaque muscle répond aux exigences de son esprit, il ne souffre d’aucun handicap, d’aucune infirmité, simplement d’une faiblesse qui lui rend difficile un mouvement comme lever le bras. Pourtant, il tend sa main vers le plafond, et essaye, souvent en vain, d’en contrôler la descente ; il plie et déplie les jambes sous sa couverture ; ses doigts se referment avec peine sur une boule de tissu que lui a fabriqué Théoperce ; il tente chaque jour de se redresser. Chaque triomphe, si minime soit-il, sur son immobilité est l’occasion d’une réjouissance silencieuse, et renforce sa détermination.

(J’ai survécu… C’est un présent superbe que cette vie, car maintenant, je peux espérer faire encore tant de choses… J’ai manqué de subir le jugement de Phaïtos, peut-être même mon âme attendait-elle près de la balance… Mais me revoilà éveillé à la vie, au monde, dérobé pour un temps à la folie des hommes… Car ils étaient fous ceux qui me battirent… Fous de croire s’opposer à Oaxaca en venant ainsi à bout de moi… Le soldat, face à un garzok, sans doute s’oppose à l’ennemi, lorsqu’il plonge sa lame dans le corps de l’adversaire… Mais où mènerait la rage aveugle qui a habité ces hommes ? … A frapper sans justice, sans discernement, ce qui semble mauvais, ne risque-t-on pas d’entamer un cercle de violence, de vengeance, de nouvelles haines et de nouvelles colères ? … Ne serait-ce pas suivre le chemin de Thimoros, et oublier qu’Oaxaca n’est nulle autre que sa fille… Je ne me vengerai pas de ces hommes, je ne leur ferai pas subir ce que j’ai fait subir aux deux bandits, car je ne crois pas qu’ils aient choisi de dédier leur vie à une quelconque œuvre de destruction… J’étais au mauvais endroit, au mauvais moment, et j’en ai payé le prix… Fort heureusement, des hommes m’ont sauvé la vie, et mon énergie serait mieux employée à les en remercier d’une manière ou d’une autre…)

Retour progressif à la santé

_________________
* * *



C'est par la sagesse qu'on bâtit une maison, par l'intelligence qu'on l'affermit ;
par le savoir, on emplit ses greniers de tous les biens précieux et désirables.
Proverbes, 24, 3-4


Dernière édition par Caabon le Mar 1 Jan 2013 23:19, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Mar 1 Jan 2013 23:18 
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Retour à la conscience

« Lève toi plus lentement, et tu éviteras les vertige. N’essaye pas de te redresser d’un mouvement, tu n’es plus capable de le faire… Voilà… D’abord tu t’adosses au mur… Attends, voilà un tabouret, fais une pause… Bien, maintenant essaye de marcher quelques pas… Accroche-toi à moi ! Va falloir que je te trouve un bâton pour te soutenir les premiers temps… Bon, aller, viens à table, je commence à en avoir assez de te voir manger par terre comme un animal… »

Caabon obéit à chacun des conseils que Théoperce lui prodigue. En effet, ce que l’apothicaire sait, le wotongoh pensait le savoir. Pourtant, se lever, marcher, bouger, tout cela relève d’une mécanique du corps dont il n’avait pas conscience : ses muscles agissaient, mus par la volonté, parfois il identifiait ceux qui avaient été plus sollicités dans un exercice par la douleur qui en émanait, mais sans plus. Là, il faut apprendre. En temps normal, garder un mois le lit n’aurait pas entraîné une telle faiblesse, mais en temps normal, un malade bouge un minimum, se nourrit, boit, même si c’est peu : le sommeil artificiel a privé Caabon d’une part de ces exercices minimes et de ces ressources alimentaires. De plus, le prêtre mandé pour soigner par magie les lésions interne n’avait pu faire opérer sa magie qu’au prix du sacrifice d’énergie du jeune homme. La guérison, magique puis médicinale, a puisé dans les forces vives de ce convalescent, le laissant aussi faible qu’un nourrisson à son réveil.

La cuisine de Théoperce est de celle qui nourrit et ravit les papilles. Peu de choses la distingue du commun de la population du quartier, c'est-à-dire quelques pincées d’épices et des d’herbes soigneusement sélectionnées : c’est cependant assez pour rendre savoureuse une soupe de navets, mangeable une assiette de gruau au lait. Si l’apothicaire habite dans la partie sud des quartiers du centre, qui opère la jonction avec les quartiers plus pauvres, sa maison est tout de même assez spacieuse pour un homme et son train de vie laisse paraître une certaine aisance : la viande n’est pas absente de sa table, les légumes sont frais et ses vêtements d’un tissu résistant tissé serré ; quelques rues plus au sud, on l’envierait, un peu plus au nord, on le moquerait. L’aisance n’a pas rendu l’homme avare, aussi fait-il profiter de sa bonne fortune à son hôte, ce qui n’est pas sans gêner ce dernier.

« Pour ce qui est de ma pension et de mes soins… Si on ne m’a rien dérobé, je suis en mesure de vous verser une somme qui… »

« Je t’ai sauvé la vie, non ? »

« En effet… »

« A combien estimes-tu ta vie ? »

« Je… je ne crois pas que je puisse l’estimer, mais vous avez bien dû engager certaines dépenses, et je… »

« Je possède ma maison, et je mets chaque fois que cela m’est possible un peu d’argent de côté pour mes vieux jours. Mais sinon… regarde autour de toi ? Est-ce l’idée que tu te fais de la demeure d’un guérisseur de talent, d’un homme qui sauve des vies ? Il m’est arrivé de sauver des vies, plus d’une fois, et d’individus qui m’auraient sans hésiter fourni des pierres précieuses, de l’or, des bijoux… Mais une vie n’a pas de prix. Alors j’investis. Un homme qui verse une somme, aussi importante soit-elle, estime avoir payé sa dette, il aura tout le loisir de m’oublier, de me renvoyer si je me rappelle à son bon souvenir. Mais l’homme dont la dette est en suspens… certains pensent qu’ils ne me doivent rien parce que je ne leur ai rien demandé, ce sont là de mauvais investissements. D’autres cependant… ceux là me rendront service lorsque j’en aurai besoin. »

« Je comprends. Je peux vous assurer que vous me trouverez dans la seconde catégorie. »

« J’espère bien ! J’arrive à un âge où un investissement doit être un bon investissement. Mais seul l’avenir nous le dira. Pour l’instant, je compte aller au bout de mon œuvre. D’ailleurs, as-tu des pertes de mémoire ? Des nausées ? »

« Non, non, je me sens parfaitement bien, simplement encore… faible. Hélas… »

« Ca passera, ça passera, de l’exercice, de la nourriture et des potions reconstituantes, tu n’as besoin de rien d’autre. D’ailleurs, en parlant d’exercice, dès que tu auras assez récupéré pour marcher, je vais t’envoyer faire quelques petites courses pour moi : j’ai du travail qui s’annonce avec l’hiver qui approche, et toi tu devrais sortir, prendre l’air, même si celui de la ville n’est pas toujours le meilleur… »


Une semaine s’écoule, durant laquelle Caabon ne voit ses activités varier que lorsqu’il exécute quelques menus travaux s’inscrivant dans la préparation de baumes, potions et remèdes. Un jour il hacha une quantité assez impressionnante de feuilles de laurier, le suivant fut consacrer à réduire en morceau le plus fin possible une provision impressionnante d’écorce de saule qui séchait sous le toit de la maison, un autre préparer une sorte de caramel avec du sucres, du miel et un nombre assez impressionnant de poudres étranges dont Théoperce ne s’était pas embarrassé de fournir le nom à son commis improvisé. Marmonnement, « pour la gorge ».

A l’issue de cette semaine, à table.

« Pourquoi faire tout ce travail ? Pourquoi chercher des herbes, des traitements, des associations efficaces ? La magie peut régler une part de ces problèmes après tout. »

« Pourquoi y a-t-il des maçons, des soldats, des paysans ? Des mages pourraient les remplacer ! Et un mage pour construire les maisons, et un mage pour exterminer d’autres mages, et un mage pour faire pousser toutes les plantes ! Je suppose que certains pourraient amener un champ entier de blé à maturité, inventer des sorts pour empêcher les mauvaises herbes de pousser, pour repousser les animaux, et tout ça. Mais il faudrait un mage puissant, dont les pouvoirs seraient mieux employés à d’autres tâches. Il n’y a pas assez de mages, et pas assez de mages puissants pour réaliser toutes les possibilités qu’offre la magie. Voilà tout. »

« Oui, mais pour soigner, on devrait trouver assez de guérisseurs. »

« Non, même pour soigner, on ne trouve pas assez de guérisseurs. Il y en a, mais pas assez. Et on ne peut pas compter sur eux dans toutes les occasions. Pense à une bataille. Mobilisons dix guérisseurs, vingt, trente, je ne sais. Ils s’occuperont en premier lieu des officiers, des éléments les plus précieux, des cas les plus sérieux… et ensuite ? Pour des cas moins graves mais encore mortels ? Quand le pouvoir s’épuise ? Quand l’énergie vient à manquer ? Si on les tue ? Si on les neutralise ? On ne peut compter sur la magie, il faut parfois faire sans. Au mieux peut-on l’utiliser en partie dans un traitement, comme ce fut le cas pour toi. Mais utiliser la magie seule… Non. Donne moi vingt garçons ayant une bonne mémoire et du bon sens, décidés à faire le bien autour d’eux, je peux les former, en faire des guérisseurs compétents. Pas de fluide, pas de magie, mais ils pourront s’installer dans un village, contrer les maladies du quotidien, résoudre bien des problèmes. Tout ça avec quelques simples ! Trouve autant de mages, autant d’élèves, autant d’individus prêts à se lancer dans l’étude, capables de le faire… Non, la magie ne résout pas tous les problèmes… Pire, elle en pose… Un monde de mage me ferait peur… »

« Peur ? Comment cela ? Des pouvoirs obscurs aux mains d’individus servant Thimoros ou leur propre intérêt, peut-être, mais des serviteurs de Yuimen, de Gaïa, de Rana ! »

« Pffff, tu es jeune ! Crois ce que bon te semble, et surtout fais toi ta propre opinion. Mais écoute mon point de vue, et réfléchis un peu. Les hommes possédant un savoir particulier, que tous ne possèdent pas et ne peuvent posséder ont tendance à se croire supérieur aux autres : forgerons de talents, soldats de métier, guérisseurs. Mais celui qui acquiert leur savoir, celui qui acquiert leur expérience, celui là peut se hisser à leur niveau. Et la magie ? Que ceux qui de naissance ont une affinité avec elle confisquent les fluides, qu’ils décident que leur pouvoir fait d’eux des êtres supérieurs à ce qui n’ont que leur tête et leurs deux mains, et je ne voudrais pas vivre dans un tel monde… »

« Je comprends le point de vue… »

« Bien, alors réfléchis, et forge toi ta propre opinion. La mienne est arrêtée. Tout ce que l’on peut faire sans l’intervention d’un mage, il faut le faire sans. Termine de manger qu’on attaque la mise en flacons de l’expectorant que j’ai préparé… Fichu potier, il profite toujours de la saison pour augmenter un peu ses prix ! Trouver de la bonne terre est plus difficile à ce qu’il paraît ! Je finis par faire payer plus cher de flacon que d’ingrédient, mais les gens préfèrent repartir avec leur petit flacon et leur beau bouchon cacheté… »

Le reste de la soirée s’organise donc autour de cette activité, la table débarrassée de tous les reliefs du repas. Théoperce manie l’entonnoir et la louche avec une dextérité née de l’expérience, tandis que Caabon clos les contenant avec leur bouchon et le scelle avec une cire de grossière qualité médiocre mais suffisante pour l’usage qui en est fait : les acheteurs ne conserveront sûrement pas leur médecine tout l’hiver. Après cette longue et fastidieuse opération, le wotongoh regagne sa couche pour méditer sur la conversation qu’il a eue un peu plus tôt au sujet de la magie. Alors qu’il manipulait la cire chaude, il s’est brûlé plusieurs fois pour n’avoir pas été assez attentif à son travail, tant la question s’imposait à lui : il n’avait jamais vraiment pensé la chose.

(J’ai toujours considéré la magie comme un don des dieux… Mais s’il en était autrement ? … La puissance des magiciens, celle de recourir à leur pouvoir là où d’autres comme moi doivent mobiliser leur force, leur endurance, leur expérience, les rend… différents… Certes… Assez différents pour qui naissent des velléités de distinction, de domination ? … Théoperce doit exagérer, peut-être a-t-il un compte à régler avec la magie… Mais tout de même… La magie est un don des dieux, mais un don dont il convient de faire un usage convenable… Comme l’art de la forge, ou la connaissance des propriétés des plantes… J’ai vu sur une étagère un pot contenant des baies qui feraient un poison redoutable si leur jus était absorbé… Mais ce n’est pas la question ! … Ce n’est pas de la nocivité de la magie dont il me parlait, mais de la position dans laquelle elle place les mages… Je ne sais pas… )

Le sommeil le prive soudainement d’une hypothétique réponse, et clos cette poursuite intérieure de la discussion. Son sommeil, pour la première fois depuis longtemps – peut-être est-ce là un signe de sa nouvelle bonne santé – est troublé par un rêve. Un songe étrange, du moins plus que ceux qu’il a pu connaître. Il se voit marchant dans le désert, et ce depuis plusieurs jours, un désert qui ne connaît pas la nuit. Abruti par la chaleur, brûlé par les rayons du soleil, il finit par s’effondrer. Surgit alors un vieillard bien plus chétif que lui, vêtu d’une ample robe brodée de symboles étranges, brandissant un lourd bourdon sculpté surmonté d’une sphère de verre où dansent des fluides aux couleurs évanescentes. Celui-ci frappe le sol du pied, et aussitôt le sable se tortille sous l’influence d’une force invisible : les grains s’agglomèrent et grimpent vers le ciel, attirés par le dôme azur du ciel. Ce sont des colonnes, des murs solides, des tourelles, des terrasses ombragées qui poussent des dunes, si bien qu’un bâtiment se dresse au milieu de l’immensité. Tout en lui figure la beauté, l’élégance, la légèreté, pourtant l’observateur sent la résistance et la robustesse de l’édifice s’imprimer dans son esprit. Le magicien frappe de son bâton deux coups au sol, et les lourdes portes de silice scintillantes pivotent sur leurs battants pour le laisser pénétrer dans sa nouvelle demeure. Deux nouveaux coups et les portent se referment sur le désert et Caabon allongé, l’eau jaillit dans les fontaines et les canaux à grands renforts de gargouillis humides. Les derniers mots du wotongoh sont pour un appel à l’aide, c’est tout ce que sa gorge parcheminée peut tolérer. Et le mage, du haut de sa plus haute tour, lui répond avec un rire condescendant, que ne vivent dans les palais que ceux capable de les bâtir.

Première sortie, étrange rencontre

_________________
* * *



C'est par la sagesse qu'on bâtit une maison, par l'intelligence qu'on l'affermit ;
par le savoir, on emplit ses greniers de tous les biens précieux et désirables.
Proverbes, 24, 3-4


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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Sam 9 Fév 2013 00:06 
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Louve, après avoir inspiré et expiré un grand coup, franchit le seuil de la demeure familiale.

Assis dans son vieux siège à bascule, son père ne leva pas la tête. L'un de ses pieds battait la mesure avec agacement. La mine sombre, il continua de consulter les livres de comptes sur ses genoux.

Empressée, sa mère laissa le linge qu'elle pliait consciencieusement sur la table pour s'avancer à sa rencontre.

"Louve ! Te voilà enfin ! Mais où étais-tu ? Nous t'attendons depuis une éternité ! As-tu oublié que nous dînions chez Messire Arkasin ce soir ?"

Louve jeta un coup d'oeil à son père. Celui-ci, l'air renfrogné soulevait un sourcil dans l'attente d'une réponse. La jeune fille souffla d'un air exaspéré.

"Nooon, je n'ai pas oublié ! Mais j'avais besoin de prendre l'air avant de m'asseoir pour de longues heures à une table, entourée de gens n'ayant la moindre once d'humour !"

Et toc ! La meilleur défense, c'est l'attaque ! Le rouge monta aux joues de son père.

"Tu apprendras jeune fille, que si tu as de quoi te vêtir, que si tu as pu suivre des études et que tu es aujourd'hui en apprentissage, c'est grâce à la famille Arkasin ! Un jour tu comprendras tout ce que nous avons fait pour toi ! Ce n'est pas en courant les rues que tu auras de quoi vivre demain !"

"Et me promettre à Edgaer, c'était aussi pour mon bien ?"

"Edgaer est un travailleur ! Il est courageux et ne rechigne pas à la tâche ! Tu devrais parfois prendre exemple sur lui. C'est un excellent parti. Et tu seras heureuse d'avoir un homme robuste à tes côtés en ces temps de crise."

"La crise, la crise... Tu ne sais parler que de ça ! Tu vois le négatif partout. Le prix du blé a encore augmenté, plus rien ne se vend comme avant, les rues sont de plus en plus malfamées... "

Louve attrapa un morceau de pain qui traînait sur la table et le porta à sa bouche. Elle déglutit, puis reprit :

"Edgaer, n'est qu'un gros empoté. Tout ce qui l'intéresse, ce sont ses nouvelles bagues, son nouveau pourpoint ou la nouvelle bonne affaire qu'il a pu terminer. Il est aussi gras et aussi peu chevelu qu'un goret."

"Aaah, évidemment !", s'exclama son père. "Si tu juges sur l'apparence extérieure... Tu imaginais sans doute épouser un bellâtre sans le sou, qui te jouerais des sérénades au clair de lune ! Et bien, ce n'est pas ça qui nourrira tes enfants, demain !"

Sa mère tenta de couper court à l'échange en l'envoyant se changer.

"Je t'ai préparé ta tenue. Elle est sur ton lit..."

Louve partit à grands pas vers sa chambre et claqua la porte, pour la ré-ouvrir aussitôt.

"Qu'est-ce que c'est que ça ?" s'écria-t-elle. "Il est hors de question que je porte cette horreur !"

Sa mère entra à sa suite et s'avança d'un air agacé vers le lit.

"Louve ! Tu ne vas quand même pas te présenter chez Messire Arkasin vêtue comme une pauvresse ! J'ai préparé cette robe spécialement pour l'occasion. Il est temps que tu te comportes comme une jeune fille de bonne famille ! Tu ne vas pas aller te présenter dans la famille Arkasin vêtue de ton éternel chemisier et de ta jupe de cuir passée."

Louve regarda la tenue d'un air horrifié. Taillée dans de la soie rose, la robe était parsemée de nombreuses dentelles. La découpe bouffante dans le bas, marquait un décolleté échancré dans le haut. Des escarpins à lacets attendaient son bon vouloir, à côté du lit.

Les larmes lui vinrent aux yeux.

Sa mère, occupée à lui venter les mérites d'une telle tenue ne le remarqua pas de suite. Mais quand elle se retourna et la vit aussi effondrée, elle s'exclama :

"Allons Louve ! Tu ne vas quand même pas te mettre à pleurer pour une robe ! Reprends-toi, ma fille ! Dans la vie, on ne fait pas toujours ce qu'on veut... " Puis, elle ajouta plus bas : "Allez, arrête tes simagrées et habille-toi... Ton père maugrée déjà assez comme ça ! Si nous arrivons en retard, il va plus encore faire la tête. Et puis, tu vas être magnifique, là-dedans."

Sur ce, elle referma doucement la porte et retourna dans la pièce à vivre.


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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Dim 10 Fév 2013 12:44 
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" [:attention:] Certaines scènes de ce rp sont à légère connotation sexuelle, aussi est-il recommandé aux lecteurs sensibles d'y réfléchir à deux fois avant d'en entamer la lecture. [:attention:] "



A peine eurent-ils agité la cloche de bronze qu'un domestique vint les accueillir. Il leur ouvrit la grille et les invita à le suivre. Alouwv et ses parents traversèrent un jardinet agrémenté d'une fontaine. La végétation de quelques arbres cachait à la vue des badauds la beauté de la blanche villa Arkasin. Construite essentiellement de marbre et de pierre bleue, elle renvoyait la lumière des torches. Et aucun ne pouvait rester indifférent à la majestuosité des lieux.

Louve se sentit encore plus mal à l'aise qu'elle ne l'était déjà. Une fois dans le grand hall, Dame Arkasin s'avança à leur rencontre et les invita à se dévêtir. La gaucherie et les manières empruntées de ses parents exaspérèrent Louve au plus au point. Et quand vint son tour de remettre son châle aux serviteurs, elle refusa sèchement.

"Excusez notre fille, elle a eu un peu froid dehors. Peut-être enlèvera-t-elle son châle plus tard, si vous le permettez...", s'empressa d'intervenir sa mère.

"Ooooh, mais il fait excessivement chaud, là-haut. L'endroit est bien mieux chauffé que ce hall glacial !", s'exclama dame Arkasin en laissant échapper un petit rire aigu.

Louve regarda sa mère d'un air profondément agacé. Si seulement elle avait pu s'abstenir de tout commentaire, personne n'aurait prêté attention au fait qu'elle gardait son châle.

"Allons, ne restons pas là ! Alouwv, laisse donc ton voilage à Erbertos et suivez-moi. Je vais vous montrer la salle où nous dînerons... Vous allez admirer les nouveaux lustres que nous avons importés ! Ils sont tout bonnement magnifiques !", dit Dame Arkasin avec emphase.

Joignant le geste à la parole, elle tourna les talons et les emmena à sa suite vers deux grandes portes donnant sur une somptueuse table. Profitant de cet intermède, la mère de Louve se tourna prestement vers elle et lui fit les gros yeux. Signe qu'elle avait intérêt à y mettre du sien au cours de la soirée. Alouwv lui répondit en levant les yeux au ciel et en pinçant les lèvres. La soirée promettait d'être longue...

La famille Arkasin était déjà à table et tous se levèrent pour venir à la rencontre des nouveaux arrivés. Sire Arkasin s'adressa au père de Louve comme s'il s'agissait d'un vieil ami : "Aah, vous voilà enfin Gregor ! Nous n'attendions plus que vous pour servir les hors-d'oeuvres ! Et puis, certains étaient plus impatients que d'autres, dirons-nous !"

Sur ce, il lorgna du côté de son fils Edgaer, qui attendait impatiemment de pouvoir inviter Louve à s'asseoir à ses côtés.

"Hum... Je comprends, je comprends... Nous étions pareils à leurs âges. Mais vous savez ce que c'est, les femmes se doivent de passer des heures à se préparer !", répondit le père d'Alouwv en se forçant à rire.

Sire Arkasin éclata de rire à son tour et donnant une tape amicale dans le dos de son fils, il reprit :"Et oui, voilà tout ce qui ne changera jamais de génération en génération. Il faudra t'habituer, Edgaer ! Mais vous êtes là, c'est ce qui importe. Ne soyez pas gênez, installez vous. Vous connaissez mes trois enfants : Sigfrid, Edgaer et Edmonda. Mais si je ne me trompe, vous n'avez pas encore eu l'honneur de rencontrer Dame Elyanor et sa famille."

Louve remarqua qu'effectivement, au milieu de la table, se tenait une dame d'un âge moyen, aux cheveux auburns et aux yeux bleus. Sa tenue bien que recherchée choquait par le mélange des couleurs et des motifs. Ses enfants n'avaient pas l'air vraiment enchantés d'être là et ne faisaient d'ailleurs rien pour le cacher.

"Son mari, n'a pu se joindre à nous. Il devait absolument terminer une commande en partance pour le continent d'Imiftil. Peut-être nous rejoindra-t-il plus tard..."

Chacun prit donc place autour de la longue table, surmontée d'un immense chandelier aux cristaux chatoyants. Edgaer, l'air conquérant, s'empressa de tirer la chaise de Louve pour qu'elle puisse prendre place à ses côtés.

Le jeune homme replet ne doutait apparemment pas qu'elle fût sous son charme. Devant le regard appuyé que lui jeta sa mère, Louve comprit qu'elle avait intérêt à y mettre du sien.

Peu à peu, les conversations reprirent.

Les serviteurs apportèrent du vin, ainsi que de petits pains. Ceux-ci, tartinés de gelée Kendrâne surprenaient le palais par leurs tonalités. Louve, pour s'aider un peu, prit du vin sans compter. Edgaer était ravit de la servir et de la voir peu à peu s'ouvrir à son charme.

Soudain, alors qu'emportés par les conversations, plus personne ne leur prêtait attention, il prit la main de Louve entre les siennes et lui dit à brûle pourpoint : "Alouwv, dès que je vous ai vue : j'ai su qu'un jour vous seriez mienne !"

Louve, dégrisée par la situation, se retrouva sans voix et chercha de l'aide auprès de la tablée, sans en trouver. Puis, elle imagina tous les yeux rivés sur elle, et se dit qu'il valait mieux que personne ne leur prête attention.

Edgaer reprit alors, enflammé par la gêne qu'il pressentait chez la jeune femme : "Vous avez tout pour plaire à un homme. Vous avez de beaux cheveux qui tombent en cascade, de beaux yeux, une bouche généreuse, des seins avenants, une croupe féconde..."

Joignant le geste, à la parole, il laissa glisser une main le long de la cuisse de la jeune femme. N'oubliant pas d'effleurer au passage le décolleté qu'elle portait avec tant d'affliction en cette soirée.

La chaleur remonta des reins de Louve jusqu'à son visage, qui s'empourpra d'un coup. Elle ne savait comment réagir à cette attaque directe. Tout son corps était en émoi. Les yeux d'Edgaer étaient plantés dans les siens. Et elle n'osait plus regarder les autres convives, de peur de croiser un regard qui lui dirait qu'il avait tout vu. Je jeune homme replet se contentait de sourire, trompé sur l'effet qu'il faisait à la jeune femme. Il la tenait en son pouvoir, il le savait !

Louve était on ne peut plus mal à l'aise. Elle n'aimait pas ce qu'elle ressentait au fond d'elle. Tout, chez Edgaer la répugnait. Ses yeux porcins plantés dans les siens, la main boudinée qui tapotait la sienne, ce visage gras... Pourtant, elle pouvait encore sentir l’effleurement de cette main sur son corps et l’émoi que cela avait suscité. Un léger frisson de dégoût la parcourut.

"Heu... C'est à dire que... Heu... Je ne m'attendais pas à ça... "

Cherchant à détacher son regard de celui d'Edgaer, elle croisa les yeux de Dame Elyanor qui l'observaient. Cette dernière la fixa quelques instants, le visage impassible. Le regard bleu glacé la dévisageait attentivement. Louve sentit un nouveau malaise naître en elle.

Cependant, Dame Elyanor reporta son attention sur la conversation ambiante sans plus lui porter d'attention et intervint abruptement.

"Je pense que vous vous leurrez tous. Vous vous targuez de diminuer le prix de la main d'oeuvre en accroissant l’afflux d'étrangers à Kendra-Kâr !
Moi, je suis certaine que cela ne fera qu'augmenter l'insécurité de nos rues et le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. Nos cultures sont différentes. Il suffit de voir le nombre de religions qui tentent d'accroître leur pouvoir sur la ville. Il ne s'agit pas d'un brassage de culture, mais d'une invasion. On ne refait pas l'éducation d'une personne étrangère. Elle apporte la sienne et cherche à appliquer ses valeurs.

Notre ville a jusqu'à aujourd'hui été préservée. Mais prenez Tulorim, notre ancienne colonie sur le continent d'Imiftil. Le départ a été majestueux. Chacun tablait sur une nouvelle ère de prospérité. Qu'en reste-t-il aujourd'hui ?

Quelques marchands richissimes qui exploitent les failles judiciaires pour extraire le plus de profits des plus démunis. Le reste de la ville vit dans une misère des plus interpellante. Pour une ville qui se dit contemporaine, il est effrayant de voir qu'à chaque coin de rue se trouvent des bandes de voyous prêtent à détrousser les voyageurs. "


Un silence lourd s'abattit sur cette tirade et Louve en profita pour dégager sa main de celle d'Edgaer. Un léger malaise s'installa et se fut finalement Sire Arkasin qui prit la parole.

"Allons, allons... Dame Elyanor. Vous nous peignez là un bien sombre tableau. N'est-ce pas grâce au port de Tulorim que votre mari peut faire des affaires sur le continent d'Imiftil ? D'ailleurs, votre famille profite tout comme la mienne de l'apport d'objets étrangers... Sans eux, notre commerce d'objets rares serait impossible."

Sans ciller Dame Elyanor reprit d'un ton neutre : "Vous ne voyez que le profit immédiat. Bien sûr, nous commerçons avec Tulorim. Comme nous avons déjà pu commercer avec Caix Imoros par le passé. Cependant, jamais ne nous serait venu à l'idée d'ouvrir nos portes à ces dames de l'obscure. Les affaires sont les affaires et il est impératif qu'elles le restent. Sans cela, elles n'ont plus lieu d'être."

Sire Arkasin se râcla la gorge et tenta de trouver une assise plus confortable dans son siège avant de reprendre la parole.

"Et bien, je suppose que chacun a son point de vue sur le sujet. Allons donc, passons aux plats à présent. Et ne nous départissons pas de la bonne humeur de cette soirée. Après tout, nous sommes ici pour établir un projet des plus réjouissants. Le mariage prochain de mon fils Edgaer avec la charmante Alouwv que voici. "

Alouwv l'entendit buter quand il prononça le mot "charmante", mais personne d'autre ne sembla y prêter attention.

"Gregor, je vous avoue que je n'aurais pas cru cela possible... Mais je m'en félicite. Cela ne pourra que rapprocher nos deux maisons."

Soulevant un verre à moitié rempli, Sire Arkasin le leva et porta un toast aux futurs mariés. D'autres le reprirent avec coeur et enthousiasme. Edgaer s'enhardit à passer un bras autour de la taille de Louve et la couva durant tous le reste de la soirée d'un regard de propriétaire. Le malaise de la jeune fille ne fit que s’accroître et plus d'une fois, elle dut repousser la main trop envahissante du jeune homme grassouillet.

Aidés par le vin et l'ambiance générale, sa mère et son père semblaient conquit. De radieux sourires étaient dessinés sur leurs lèvres. Et ils semblaient loin de penser que leur fille n'avait pas le coeur à la fête.

Profitant d'un intermède entre deux plats, Louve demanda à quitter la table pour se rafraîchir un peu. Dame Arkasin lui indiqua une chambre où se trouvait un miroir et une vasque remplie d'eau fraîche. Louve monta les escaliers d'un pas chancelant et referma la porte de la chambre derrière elle.

Puis, elle se dirigea vers la fenêtre et l'ouvrit en grand. L'air de la nuit lui fit du bien. En bas, elle distingua son père, Sire Arkasin et Dame Elyanor qui discutaient en prenant l'air sur le balcon. Elle s'étonna de voir cette dame de si bonne tenue tirer sur une pipe légère. C'était généralement le fait d'hommes. Pourtant, elle semblait n'en avoir cure et assumait pleinement ce vice en inspirant de longs souffles de fumée. Sa mère et Dame Arkasin devaient probablement trouver cela répugnant.

Refermant la fenêtre, Louve décida d'aller les rejoindre. Descendant aussi discrètement que le lui permettaient ses escarpins, elle se glissa subrepticement jusqu'au balcon. Sire Arkasin et son père venaient de rentrer et seule, restait Dame Elyanor. Elle se tourna vaguement à son arrivée, puis, reprit sa position, accoudée qu'elle était au balcon.

Louve se sentait un peu gauche, elle n'avait pas prévu de se retrouver seule en sa présence.

"Il fait chaud, n'est-ce pas... ?" dit-elle pour engager la conversation.

"C'est cette soirée qui me donne chaud. Tu fumes ?", lui demanda Dame Elyanor en lui tendant la pipe.

Louve fut complètement prise au dépourvu par la proposition. Elle bégaya que cela lui arrivait parfois, mais que ses parents étant là, ce soir elle ne pouvait pas.

Dame Elyanor eut un petit rire.

"Ce sont donc eux qui dictent tous tes faits et gestes... Elle est bien belle la jeunesse. L'avenir est assuré. ", soupira-t-elle.

Louve se sentit dépouillée de toute fierté. Et elle tenta de se rattraper aux yeux de cette dame qui semblait si libre de ses désirs.

"Ce n'est pas ça... Bien sûr, que je m'insurge contre leur bêtise. Mais, à la fois, que puis-je y faire ? Je dépends d'eux... Mon enfance, mes études dépendaient d'eux, à présent mon travail dépend d'eux... Mais ça n'empêche, je ne suis pas comme eux. Mes amis du port pourraient vous le dire. La dernière fois, on a fumé de l'herbe de Shory. On a bien rigolé. J'voulais savoir ce que ça faisait. "

Louve déglutît, ne sachant comment poursuivre. Une légère tension s'installa dans son corps. En réalité, elle n'avait jamais touché de près ou de loin à l'herbe de Shory. Tout ce qu'elle en savait, c'est ce que son ami Friss lui avait raconté. Plus d'une fois, elle avait rêvé essayer, mais l'occasion ne s'était pas présentée.

Espérant que son mensonge ne soit pas découvert, elle s'empressa d'enchaîner : "Par contre, je suis plus ou moins d'accord avec vous. Il est vrai que trop d'étrangers, cela fait du tord à une ville. Néanmoins, je regrette parfois qu'il n'y ait pas plus de diversité dans les produits. J'aimerais que plus de gens aient accès à la culture d'autres contrées. Qu'ils puissent y réfléchir. Récemment, j'ai lu un livre sur le peuple des dunes. C'était très intéressant. Mais combien de personnes y ont accès ?"

Louve eut l'impression d'éveiller l'intérêt de Dame Elyanor. Celle-ci se retourna et s'appuya nonchalamment sur le balcon, la pipe entre les dents.

"Si les livres deviennent accessibles à de nombreuses personnes, il ne sera plus possible d'en tirer autant de profit. Que diras ton père ou Sire Arkasin ?"

Sentant qu'il fallait qu'elle pousse sa pensée plus loin, Louve décida de continuer la joute verbale. Elle sentait qu'elle était sur la tangente et que le moindre faux pas risquait de décevoir son auditrice.

"Et bien... Je présume que si nous en vendons plus, le profit global sera le même. Et puis, je pense que la réflexion est plus importante que l'argent. Ce sont les idées qui gagnent à se répandre. C'est ainsi qu'on peut faire évoluer les choses. La plupart des gens restent enfermés dans leurs idées traditionnelles. Pourtant, il y a des savoirs que nous ne possédons pas encore et qu'il est bon d'apprendre ailleurs. "

Dame Elyanor porta son regard au loin, inspira une autre bouffée.

"Peut-être... Je ne suis plus sûre que les idées puissent changer les choses. Je l'ai cru à un moment. Aujourd'hui, je crois surtout qu'il faut préserver ce qu'on a. Et le meilleur moyen d'y arriver, c'est de vivre cacher."

La jeune fille n'était pas sûre d'avoir bien compris le sens de ces paroles, mais elle acquiesça, trop contente que la joute se termine. Cependant, elle se demanda si dame Elyanor ne faisait pas référence à la soi-disant herbe de Shory. Elle aurait peut-être du éviter d'inventer ça.

"Dis-moi, si j'ai bien compris, tu as fait des études commerciales ?"

"Oui. Ce n'est pas ce que j'aurais choisi, de primer abord, mais c'est bien les études que j'ai suivies."

"Si jamais te prenait l'envie de changer de boulot... Viens me voir. Ou peut-être pourrais-tu présenter cela à Sire Arkasin comme un stage, te permettant d'apprendre d'autres choses." Devant l'air effaré de Louve, elle ajouta : "Je lui en toucherai un mot."

Se disant, elle retourna sa pipe légère, en fit tomber les restes de tabac et la rangea dans son étui. Puis, elle invita la jeune fille à regagner la grande table où les attendaient les autres convives. Chacun étant passablement éméché, le ton était à présent donné aux blagues légères. Sigfrid, l'aîné des fils de Sire Arkasin était juste ne train d'en lancer une quand elles regagnèrent leurs places.

"C'est un orque et un nain qui urinent dans les latrines d'une taverne. Soudain, l'orque remarque que le nain ne cesse de cligner des yeux en le regardant. Il lui en fait la remarque et le menace d'un bon coup sur la tête s'il continue. Le nain lui dit, alors... Mais du gland ! Tu crois quand même pas que j'te drague ? C'est juste que t'arrête pas d'm'éclabousser !"

Les francs éclats de rire des hommes vinrent contredire l'air outré de la plupart des femmes. Louve se risqua néanmoins à sourire. Elle en aurait bien eu d'autres en réserve, mais elle préfèra s'abstenir.

La soirée touchait peu à peu à sa fin. Les esprits étaient fatigués et après un dernier verre, tout le monde se rhabilla en vue du retour. Edgaer semblait effondré de devoir laisser Louve partir et il la retint par la taille un long moment avant de la lâcher. Il tenta un baisé volé, mais heureusement pour Louve, les parents veillaient au grain.

"Allons, Edgaer, bien essayé jeune filou ! Tu attendras le mariage pour l'embrasser ! D'ici là, tu auras les rêves pour t'envoler !"

Sire Arkasin attrapa son gros fils par le cou et lui passa une main affectueuse dans les cheveux. Louve en profita pour s'éclipser et décida d'attendre ses parents près de la grille. Elle en avait assez supporté durant cette soirée. Se couvrant du châle protecteur, elle était bien décidée à passer sa mauvaise humeur sur ceux qui étaient à l'origine de ce calvaire.


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Dernière édition par Louve le Lun 22 Avr 2013 20:06, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Lun 25 Mar 2013 15:09 
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Par bien des aspects le jardin de la demeure des Ligure était un endroit calme et adapté au repos du corps et de l’âme. Ceint de hauts murs et ne donnant que sur des rues en retrait de l’activité de la capitale, le parc était propice aux longues et reposantes siestes estivales. En hiver l’ensoleillement permettait aux plantes de résister aux froids les plus rigoureux alors qu’en été les branches étendues de quelques augustes arbres dispensaient une ombre salutaire aux endormis. A ses yeux l’endroit conservait un charme particulier hérité de ses souvenirs d’enfance : de ses parents inventant pour elle des jeux ou des historiettes, des membres du personnel de sa maisonnée devenus des oncles et tantes à part entière ou encore de ces réunions de commerce qui trouvaient le refuge de mille projets au secret de cette petite terrasse au fronton échancré.

Pour autant et malgré le thé répandant ses effluves de menthe et de citron Calimène jamais ne s’éloignait de sa lame. Longue et droite l’épée longue du Chevalier-Sirène reposait contre la chaise de la maitresse des lieux. Engoncée dans le fourreau de cuir, de métal et d’argent qui était son vêtement coutumier l’arme semblait elle aussi profiter de la quiétude des lieux ; quoique dans une semi vigilance. Car les évènements récents avaient terni l’atmosphère des lieux. L’intrusion de l’immondice noire, le Rat Noir qui l’avait poursuivie du repaire des empoisonneurs jusqu’ici, avait souillé à jamais la maison. L’odeur délétère de la créature – Calimène se refusait encore à simplement la qualifier d’animal tant le terme lui paraissait être une offense aux bêtes communes – resurgissait parfois encore malgré l’usage de grands moyens : eau, savons, détergents et pas mal d’huile de coude.

D’un air détaché elle tourna son regard vers l’allée du jardin où elle et le gardien de la maison avaient incinéré le cadavre de la chose rat.

« Au moins, il aura bien aidé à la pousse des thuyas… » Commenta Calimène d’une voix traînante en observant l’aspect radieux du massif de fleurs qui se nourrissait des cendres de la Bête.

Par ailleurs, et même sans qu’il n’ait jamais eu à dégager une once d’agressivité, l’existence de l’Emissaire faisait planer sur Calimène un poids presque permanent. Entré dans sa vie quelques semaines auparavant, la Dame doutait de pouvoir maitriser en toutes circonstances les conséquences de ses choix. Sans avoir signifié d’engagement formel, elle se sentait toute aussi investie qu’en ayant signé un pacte de sang par soir de pleine lune.

Car c’est par intérêt personnel qu’elle s’était engagée dans cette collaboration pernicieuse. L’Emissaire – porte-parole auto-proclamé d’une organisation aux contours encore beaucoup trop obscurs – lui désignait des cibles, l’aiguillait sur ses enquêtes et elle pouvait, sous réserve d’en ressortir vivante, s’attribuer le mérite de la résolution du cas. Initialement Calimène avait trouvé une occasion de rapidement mettre à mal ceux qui profitaient des noirceurs de Kendrâ-Kar. Mais au fil du temps, seul le sentiment de pratiquer des assassinats à bon compte subsistait.

Non pas qu’elle ait éprouvé des remords de quelque nature que ce soit ; les personnages qu’elle avait expédié n’étaient qu’un ramassis d’ordures préjudiciables à la vie de la Cité ou de bêtes vicieuses.

Mais le sentiment persistant d’être dupée par l’Emissaire ne la quittait plus.

Un bruit de pas, léger et régulier, la tira de sa torpeur. Loin de connoter une quelconque agitation la venue de Diane l’ancra dans l’aspect le plus plaisant de la présente situation. Eludant ses pensées négatives elle accueillit la jeune fille – presque une femme désormais – à ses côtés.

« Ma Dame » introduisit la servante. « Un colis est arrivé pour vous, ainsi qu’une lettre remise par un coursier ; coursier qui n’a pas souhaité s’attarder mais que nous connaissons pour ses visites habituelles » précisa-t-elle d’un ton jovial.

Calimène se redressa légèrement, signe s’il en fallait que son attention venait d’être totalement captée par ces simples mots. D’un mouvement de la main elle se saisit de la lettre et en vérifia la qualité du cachet. Simple et sans ornement raffiné ce dernier semblait toutefois intact, signe de la prime fraicheur du contenu lui étant envoyé. Sans examen plus avancé elle déchira l’enveloppe et commença la lecture du contenu.

Citation:
« Calimène.

La montagne a enfanté d’une souris.

Victorin.
»


« Direct et efficace, comme à l’accoutumée » persifla Calimène d’un air toutefois enchanté, presque exalté, tout en repliant la lettre en quatre sur elle-même. Dans le mouvement elle se saisit du colis, soupesant son poids et testant sa rigidité un long moment afin de déterminer quel pouvait bien en être le contenu ; sans succès. Vaincue par l’impatience elle en vint à défaire les attaches avec une hâte toute enfantine, dévoilant une étoffe longue, soyeuse et souple.

La prenant délicatement entre ses mains elle la déplia avec précaution découvrant un capuchon à pointe, une doublure d’hermine et des lanières d’un cuir mât, lustrées d’une huile rendant tout entretien de cette partie du vêtement superflue. Elle se releva pour étendre la cape devant elle et pouvoir l’étudier de tout son long. Puis, d’un mouvement fluide, elle la passa autour de ses épaules. Immobile un moment elle passa d’un pied à l’autre pour l’équilibrer et une fois satisfaite du résultat ferma le passant au niveau de son cou. L’impression de bien-être et de chaleur la réchauffa en un instant.

« Une invitation et des habits chauds, voilà bien longtemps qu’il ne s’était pas montré si entreprenant » murmura la jeune femme, appréciant visiblement le geste. Rapidement elle retira la tenue et la déposa avec une attention soutenue sur le dossier de sa chaise.

La montagne avait enfanté d’une souris ; tel était le signal convenu. Victorin et ses hommes avaient trouvé ce qu’ils recherchaient. Envoyés quelques mois plus tôt dans le nord à la recherche de forteresses ou de points de gardes tombés en ruine et propices à être réhabilités, Victorin avait fait de cette mise à pied son propre projet. Pour avoir démontré l’implication de plusieurs nobles dans l’affaire des empoisonneurs de Kendrâ-Kar, Victorin avait été « promu » à la tête de cette expédition insensée ; signe qu’au plus haut niveau de la politique de la cité, d’autres nobles de naissance – et non de cœur – n’avaient pu être rattachés au complot contre la ville.

Loin de s’en indigner publiquement, Calimène et Victorin s’étaient temporairement séparés pour donner l’apparence d’un abandon de ce sujet. Mais loin de s’en laisser compter l’un et l’autre s’étaient accordés sur plusieurs signes secrets, messages privés et autres points de rendez-vous possibles.

« La montagne a enfanté d’une souris » commenta Calimène.

Elle s’orienta vers sa jeune servante.

« Diane, fais préparer ma monture séance tenante je te prie » lui glissa-t-elle à mi-voix.

Car Victorin ne l’attendrait à leur point de rendez-vous que pour quelques jours.

Dans dix jours.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Mar 26 Mar 2013 17:58 
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« Très efficace a-t-il dit ? » demande Théoperce, amusé par ce propos d’apparence anodine. A son sourire, Caabon devine que le vieil homme détient une information susceptible de rendre ce message moins obscur, information qu’il ne semble pas prêt à partager.

« Oui, très efficace. »


« Et alors ? Cette petite marche, comment tu te sens ? »


« Epuisé. Je réalise seulement à quel point la guérison a puisé dans mes forces vives. Mais il ne s’agit que d’épuisement. Mes muscles fonctionnent, j’ai faim, tout est dans l’ordre. Il me faut simplement… du temps. Heureusement que le retour a été moins mouvementé que l’aller. »

« Tu fais allusion à ta rencontre avec le Lykor ? »

« Exactement. Je n’ai cessé d’y penser, et je ne sais toujours pas sur quoi m’arrêter. »

« Tu devrais cesser de t’en faire pour si peu. Kendra Kâr est une grande ville au sein de laquelle les rencontres étranges ne sont pas rares. Je dirais que tu as eu de la chance de t’en sortir sans mal, mais les coupe-jarrets ne sont pas rares dans les rues, et disposent de bien des ruses pour attirer une proie facile dans des recoins isolés où ils peuvent la larder de coups de couteau sans risque d’être entendus, et pourquoi pas avec le secours de quelques complices… Vraiment, tu as eu de la chance. Ne compte plus trop dessus à l’avenir… Comme on dit, la foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit… Tu as dit que tu avais faim ? C’est normal, le grabataire que tu es a bien mis tout l’après midi pour rallier les deux extrémités de la ville ! J’ai mis quelques légumes et un quartier de salaison dans le chaudron au-dessus du feu, file chercher un peu de fromage dans le cellier et le pain dans la huche. »

C’est non sans un certain entrain, qu’il ne peut malheureusement manifester par de l’empressement tant les muscles de ses jambes le tiraillent, que Caabon exécute les ordres du vieil homme. Lorsqu’il revient, une belle tranche de fromage des Duchés des Montagnes et un reste de miche de pain complet non moins apetissant, la soupe fume dans un saladier en bois sur la table, et deux assiettes se font face autour de ce trophée domestique. Malgré la différence d’âge, les deux occupants des lieux prennent les mêmes soins pour s’asseoir et se servir, ce qui n’amuse que modérément celui dont les années sont encore peu nombreuses derrière lui, et réjouit une peu l’ancien. Leur appétit égal leur fait bien vite oublier cette étrange ressemblance, fruit de l’infortune, et à mesure que leurs estomacs respectifs se remplissent, leurs langues se délient d’autant.

Théoperce, s’il a voyagé, vit depuis bien longtemps à Kendra Kâr, et le regard neuf d’un étranger sur cette ville qui au fil du temps lui est devenue si familière ne manque pas de l’intéresser. Quel souffle d’air frais songe-t-il, même s’il grogne intérieurement contre l’innocence partielle de cet apprenti provisoire, rendue manifeste par cet épisode du Lykor. Aussi espère-t-il que ses quelques avertissements et conseils se révèleront utiles, sans pour autant influencer de manière trop radicale les perceptions du monde du jeune homme.

De son côté, Caabon a laissé derrière lui le point de la journée. La discussion autour du repas sur la ville lui fait oublier peu à peu les aspects les plus problématiques, et les questions l’ont amené à se remémorer les bâtiments, les rues, les gens, les boutiques et les camelots, l’ensemble que constitue la ville. Théoperce lui a fait au fil des interrogations remonter le temps et refaire le parcours, en pointant du doigt par ses remarques ce que perdu dans ses pensées il a manqué. Qu’a-t-il pu dire de l’architecture ? Rien. De ces quelques maisons si particulières portant la marques de deux époques, quand les murs finirent d’enclore la ville et qu’il devint avantageux de rajouter un étage ? Rien. Du pavage et du dallage des rues, rendu mosaïque par l’usure du temps, les remplacements nécessaires là où l’on ne voulait pas voir se creuser une flaque de boue, les différents artisans et tailleurs de pierre ayant pris part à l’ouvrage ? Rien. Ces choses que Caabon a lu dans les livres lors de ses années de reclus, ces remarques de voyageurs, ces descriptions minutieuses, ces choses ne lui sautèrent pas aux yeux durant sa première sortie dans les rues de la ville. Comme cette réalité lui vient, il regrette de n’avoir pas fait plus attention, et de s’être laissé distraire de manière si ridicule de son projet initial, de ce qui l’anime et l’a poussé tout au long du chemin : découvrir.

(Je serais déjà aveugle à tout ce qui m’entoure, trop habitué à l’extérieur déjà pour m’émerveiller de ce que les dieux et les hommes déploient sous mes yeux ?... Cela fait si peu de temps que je suis parti… Et j’aurais déjà tant vécu ?... J’aurais déjà perdu la capacité de me réjouir de ma liberté nouvelle ?... Non… Cela ne se peut… Il faut compter avec la fatigue, la convalescence, l’éblouissement peut-être : à tout percevoir je n’ai peut-être conscience que d’un flou informe, au sein duquel je ne peux distinguer tous ces éléments qui méritent mon attention… Demain je sortirai à nouveau, si Théoperce n’a pas besoin de moi… Demain je verrai les rues autrement, demain je promènerai mes yeux sur les murs et sur le sol, je les laisserai enrichir mes pensées à leur guise, je serai attentif aux effluves qui monteront à mes narines, aux sons qui parviendront à mes oreilles… Qui déjà disait que nul n’est plus aveugle que celui qui ne veut pas voir ? … Peste ! j’ai oublié cela… Qu’importe, pourvu que mon esprit ne soit pas aveugle demain, ni les autres jours, et que lorsque j’aurai l’impression d’avoir trop découvert le monde, je sois encore capable de soulever le manteau du révélé pour fouiller ce qu’il reste de mystères…)

Une prière au temple de Rana

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C'est par la sagesse qu'on bâtit une maison, par l'intelligence qu'on l'affermit ;
par le savoir, on emplit ses greniers de tous les biens précieux et désirables.
Proverbes, 24, 3-4


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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Jeu 4 Avr 2013 17:45 
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Des emplettes à la forge de Gonk

Théoperce a souri en voyant Caabon revenir équipé comme pour partir en campagne, et ne lui adressa que quelques plaisanteries légères quant à l’air martial qu’il affichait ainsi ; son attention s’est cependant plus vite portée sur l’anneau que le Wotongoh portait au doigt, sur lequel il a amené la discussion autour du repas qu’il a préparé.

« Tu as trouvé cet anneau chez Gonk également ? »

« Non, il m’a été remis au temple de Rana, par un prêtre. Il a dit que j’en aurais besoin, parfois, pour me souvenir à qui vont mes prières… Enfin du moins l’ai-je compris ainsi. »

« C’est un cadeau précieux qu’un cadeau remis par un prêtre de Rana. Un anneau comme les autres en apparence, mais je gage qu’il ne t’aurait pas simplement remis un morceau de métal. Il doit y avoir quelque chose de plus dans cet anneau… »

« Et comment je pourrais le savoir ? Je n’ai aucune affinité avec la magie, pour moi ce n’est qu’un beau bijou, qui gagne en valeur de la manière dont je l’ai obtenu, mais sans plus. »

« Ah … La magie… J’ai souvent rêvé d’être capable de fabriquer un instrument à même de la mesurer, peut-être même d’en évaluer la force, d’identifier les éléments mis en œuvre dans le sort… Avec le soutien d’un mage, j’aurais pu conduire un tel projet. Mais imagine un instrument de cette sorte entre les mains d’un individu ayant une haine profonde de la magie et de ses utilisateurs… Il lui trouverait sans peine un usage néfaste pour les mages de tous bords ! C’est pourquoi, à mon avis, aucun mage sain d’esprit ne se risquerait à la fabrication d’un tel instrument. Mais… qui sait… peut-être qu’un jour cela se fera… »

« Un mage pourrait me renseigner sur le caractère magique ou non de cet anneau ? »

« A priori oui. Et même te dire de quel type de magie il peut être investi. Un mage ou quelqu’un ayant une bonne affinité à la magie. Mais je te déconseille de procéder ainsi. »

« Pourquoi donc ? »

« Il s’agit d’un cadeau d’un prêtre de Rana, et pas une vulgaire babiole fauchée sur un étal ou ramassée dans le caniveau. Si il ne t’a rien dit concernant cet anneau, c’est qu’il n’est pas magique, ou au contraire qu’il l’est et que c’est à toi de le découvrir en temps voulu. Lors d’une prière par exemple. Non, non, je ne pense pas qu’il soit bon que tu ailles voir un mage pour cet anneau. Attends, prie, continue de mener ta vie comme tu la menais et les choses se révèleront d’elles-mêmes. C’est tout du moins mon avis. »

« Et je pense qu’il est sage. Je m’y conformerai. De toute manière, je ne suis pas encore assez solide pour courir la ville à la recherche de quelqu’un qui puisse m’en dire plus sur cet anneau. Cette sortie m’a déjà bien fatiguée… J’ai les mollets en feu, les cuisses douloureuses, et la brigandine pèse assez lourd pour le convalescent que je suis. Tout comme cette griffe… »

« Je peux ? »

« Oui, oui. »

Théoperce étend sa main vers le bout de la table pour ramener à lui l’arme encore enveloppée de tissu, dont il écarte les pans avec soin. Un petit sifflement admiratif lui échappe lorsqu’il pose ses yeux sur l’objet, qu’il manipule avec soin, le jaugeant sous toutes ses coutures, éprouvant du gras du pouce le tranchant des lames et approchant avec précaution de bout de son index des pointes.

« J’ai pas mal voyagé dans ma jeunesse, et j’ai eu l’occasion de voir des armes de toutes sortes. Il me semble que tu as fait une bonne affaire, même si je pense qu’il te faudra du temps pour reprendre assez de force pour manier ces griffes convenablement, et ensuite assez d’entraînement pour te défendre efficacement. Il me semble que ce sont des instruments de morts peu répandus que les griffes… Peut-être parce que ça oblige le guerrier à lutter au corps à corps avec son adversaire, de le regarder dans le blanc des yeux… C’est étonnant tout ce qu’on peut trouver dans la forge de Gonk. Je pense qu’il a un certain talent, je lui ai d’ailleurs demandé une ou deux fois de me forger des pièces un peut particulières, mission dont il s’est fort bien acquitté, mais il en a encore plus pour remettre en circulation de belles pièces. Voilà un bon exemple des méprises que l’on peut avoir concernant un individu : se borner à ne voir dans cette montagne de muscle vieillissante qu’un guerrier qui a pris trop de coups sur la tête, c’est faire l’impasse sur des qualités qui lui assureront une existence confortable même lorsqu’il ne pourra plus manier son marteau. »

Caabon a écouté ce monologue avec une attention que ne venait troubler que le souci de vider son assiette et remplir son estomac. Ces deux tâches complémentaires accomplies, il ramène vers lui les griffes, replie autour d’elle le pan de toile et annonce son intention d’aller se coucher si Théoperce n’a plus besoin de lui. Le vieil homme hoche la tête d’un air approbateur, satisfait de voir que le jeune homme qu’il héberge n’est pas stupide au point de trop en demander à son corps.

Les trois semaines suivantes s’écoulèrent de manière semblable. Caabon alternait les courses en ville, les exercices à la boutique lorsqu’il n’y avait aucun client, apportait son aide à Théoperce dans la préparation des breuvages, filtres et potions en tout genre qu’il serait susceptible de vendre au cours de l’hiver approchant. Déjà des vents froids du nord balaient la ville, et les habitants commencent à montrer des tenues plus adaptées à un climat froid, bien que la ville profite de température plus clémentes que l’intérieur des terres du fait de la proximité de l’océan et des vents chauds du sud. Il semblait au Wotongoh que l’euphorie de la victoire du col de Luminion s’était peu à peu éteinte, et que des discussions au coin des rues, autour des étals, portaient sur ce que l’hiver pourrait apporter de malheur. On évoquait la neige dans les montagnes, les difficultés pour les troupes de se déplacer, la voie libre à des petits groupes des armées d’Oaxaca pour raider les petits villages, brigander sur les chemins, rendre les choses incertaines dans les Duchés où beaucoup ont de la famille, des amis ou des connaissances. D’autres rumeurs faisaient état de piraterie sur les routes maritimes venant du Sud. Sans compter les psychoses contagieuses qui n’avaient pas encore quitté les mémoires, et dont l’interruption soudaine tant que les conséquences pour les malades inquiétait : que faire si de nouveaux cas apparaissaient ?

Ces dernières semaines avaient aussi été des moments de solitude pour Caabon, qui s’interrogeait parfois sur le comportement étrange de Théoperce. Leur récente cohabitation ne permettait pas au jeune homme de connaître parfaitement son aîné, mais il n’avait pas pu s’empêché de remarquer une fébrilité nouvelle, des absences répétées à des heures étranges, la préparation de philtres dans le plus grand secret, pour lesquels il ne sollicitait pas son assistant de passage. Parfois il rentrait avec des étuis à parchemin, repartait avec le lendemain, non sans les avoir gardé près de lui la nuit entière, et enfin regagnait sa maison les mains vides. Ce manège devait avoir un sens, mais Caabon ne se sentait pas en droit de poser des questions, auxquelles, il en était presque certain, il n’aurait eu aucune réponse. Les livres traitant des soins par les plantes et les herbiers reposant sur une étagère de la pièce de vie avaient remplacé les conversations de Caabon avec le vieil homme.

C’est d’une telle lecture qu’est tiré le Wotongoh par le claquement de la porte. En relevant la tête, il aperçoit un Théoperce essoufflé, sans doute à la suite d’un effort un peu trop soutenu compte tenu des années qu’il a déjà derrière-lui. A sa suite pénètre une silhouette encapuchonnée, drapée dans une cape noire dissimulant parfaitement son physique au regard. Sans se soucier de procéder aux présentations, Théoperce s’adresse, sitôt son souffle retrouvé, au wotongoh qui s’est levé de la table.

« Il va falloir qu’on parle de ce que tu as fait avant d’arriver ici… »

Le salut est dans la fuite

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Dernière édition par Caabon le Jeu 11 Avr 2013 15:32, édité 1 fois.

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