Je marchai pendant environ trois heures, sans vraiment savoir où aller. Je marchais pour le simple plaisir, avec cette étrange impression que l'on m’observait. C'était une sensation désagréable. À chaque fois que je me retournais en pensant qu'il y avait quelqu'un derrière moi, il n'y avait personne. C'était désert, j'avais pour seule compagnie les feuilles mortes qui dansaient avec le vent. Je prenais n'importe qu'elle rue pour voir si cette sensation allait se dissiper. En vain elle persistait. Pire que de la gomme de sapin collée sous vos semelles. Je commençais à paniquer légèrement, je marchais plus vite et mon rythme cardiaque s'accélérait. Je décidai de m'arrêter un instant pour me calmer. Il n'y avait personne dans les alentours de cette ruelle, mais cette impression me suivait toujours. Me calmer et me reposer me ferais du bien. Peut-être avais-je des hallucinations et que ce sentiment était le fruit de mon imagination. La ruelle que j'avais choisie était étroite et fermée de plus, il y avait un seul accès possible et personne n'y figurait. J'y entrai, y fis quelques pas et m'assis le dos contre un mur en pierre. Ma paranoïa se dilapidait tranquillement, et je m'assoupis. Quand j'ouvris les yeux, l'obscurité s'installait. Signe que j'avais dormis plus longtemps que prévu. J'aurais aimée passer la nuit dans mon refuge, mais j'avais pris la décision de ne pas y aller pendant un certain temps. Pour combien de temps? Je l'ignorais, mais disons assez longtemps pour que l'image de ce meurtre disparaisse de mon esprit.
Soudain, un homme enrobé d’un manteau noir me toisait accroupit dans l’ombre. La présence que je ressentais plus tôt était justifiée et ma panique refit surface. Cet homme m’observait depuis un bout de temps. Pourquoi? Je n’en savais rien, et je n’en avais aucune idée. Un frison parcourut mon dos, s’était peut-être un maniaque? Si c’était le cas, j’étais mal. Je ne voulais pas y penser. J’analysai rapidement mes chances de fuite. Cet homme à l’allure inquiétante bloquait la seule sortie possible. On m’avait déjà sortie de ce genre de situation, mais cette fois j’étais seule face aux ennuis. Voyant que je m’étais éveillée, la silhouette sombre se leva et s’avança vers moi. Tous mes muscles étaient crispés, j’aurais voulu me lever et partir en courant, mais j’en étais incapable. La peur me Faisait presque toujours cet effet-là. Comme si il avait pressentit mon angoisse, je vis un sourire narquois se dessiner sur son visage. Dans la pénombre, s’en était presque effrayant. D’un geste gracieux, il me tendit la main dans l’intention de m’aider à me relever. Je me sentais intimidée devant lui. Grand comme un Kendran de taille moyenne et bien dessiné, on devinait qu’il était en bonne forme. Après un moment d’hésitation, je pris sa main. Sa chaleur était plaisante, mais la température d’une main ne veut pas dire grand-chose. Une fois debout, je pus mieux le jauger. Ses cheveux marron foncé en bataille lui tombaient sur le visage et ses yeux jaunâtres étaient comparables à ceux d’un chat. Son sourire malicieux me laissait perplexe. Je n’arrivais pas à savoir s’il était bon ou mauvais.
C’est à ce moment que je le reconnue. C’était le type que j’avais renversé, ou plutôt qui m’avais fait tomber au marché. De stupeur, je reculai, m’avait-il suivi tout ce temps parce qu’il n’avait pas aimé ma petite bousculade? Voulait-il réglé un compte avec moi? Je n’avais pas envie de me battre et je n’allais pas rester là pour le savoir, je voulu m’enfuir, j’étais assez bien partie pour. C’est en reculant un peu plus que je remarquai qu’il n’avait pas lâché ma main. Je crois qu’il avait peur que je prenne mes jambes à mon cou, son emprise brisait toute les chances que j’avais de filer.
« Tu veux déjà partir? » Plaisanta-t-il sur un ton ironique. En même temps, il resserra la poigne qu’il avait sur moi, et me tira vers lui.
« Ça fait un moment que je te suis! » Ça faisait un moment que je me sentais épiée, je n’en fus pas surprise.
Son intonation n’était pas agressive, ni même menaçante. Alors, pourquoi me suivait-il? Si ce n’était pas pour régler ses comptes. D’ailleurs, il n’avait pas l’air parti pour ça. J’en déduis donc, que ce n’était pas la raison pour laquelle il me suivait. Il avait bien fait de me retenir, mais il n’en avait plus besoin. Il avait piqué ma curiosité, je le regardai d’un air sceptique.
« Pourquoi donc? » Lui demandai-je sur un ton méfiant.
« Si c’est pour que je m’excuse de vous avoir rentré dedans, vous pouvez toujours courir, ça n’en vaut pas la peine! » Il me parut surprit l’espace d’un tout petit instant, voir même désorienté par mon odieux commentaire. Un instant je regrettai ma remarque, j’avais eu peur de me tromper sur ce qu’il voulait et qu’il le prenne mal. Mais son visage s’illumina d’un sourire sincère. Ce n’était pas dans mes habitudes de faire preuve d’autant d’audace. Normalement, je restais muette et je rougissais. Il émit un rire amusé. Ce qui me surprit, je ne m’attendais pas à ce qu’il me trouve comique et mes joues se chauffèrent. Voyant que j’avais l’air intrigué, il continua sur un ton sincère.
« Pour ce petit accrochage ce n’est rien, il n’y a pas eu de mal. » Puis avec un sourire taquin,
« En fait, je te suivais avant que tu me rentre dedans… »(Avant? Mais depuis quand? Et qu’est-ce qu’il me veut?) Il laissait planer ses phrases comme ça, sans rien n’ajouter. Il me laissait sur un mystère dont je voulais avoir la réponse. Voyant qu’il avait toute mon attention et que je n’avais plus envie de déguerpir, il laissa enfin ma main. Ce devait être important pour qu’il agisse ainsi. Ses petites phrases appâts avaient fonctionnées, je voulais en savoir plus sur ce que cet homme avait dans la tête.
« Que me voulez-vous exactement? » De l’incertitude de l’inquiétude se lisaient dans ma voix. Après tout, je ne savais pas ce qu’il voulait et peut-être que l’hypothèse du maniaque tenait debout? Il souriait chaleureusement, mais son sourire avait un petit air malicieux.
« Je voulais te proposer un marché, mais puisque ça t’intéresse pas, je ferais mieux de partir… » Il fit mine de partir. Il jouait à celui qui ne veut pas s’imposer, mais qui en fait le veut à tout prix, misant sur le côté sympathique de chacun. Un stratagème efficace, car tout de suite je lui demandais :
« Quel genre de marché? » Il s’arrêta et retourna à peine la tête, les mains dans les poches de son manteau.
« Oh, rien de bien compliqué. J’aurais besoin de toi pour faire certains trucs. » Il fit deux trois pas en avant.
Je me précipitai derrière lui et posai ma main sur son épaule pour le retenir.
« Et, qu’est-ce que j’y gagne? Dans un marché, il y a un côté bénéfique pour tous. »Il se retourna entièrement vers moi, je retirai ma main de son épaule.
« En échange, je te promet un toit et une pitance. »Je pris le temps de réfléchir à son offre. Un toit et une pitance… C’était tentant, c’était les seules choses que je n’avais pas pour le moment et dont j’avais besoin. Cependant, je sentais qu’il y avait anguille sous roche quelque part. Je me méfiais de ses « certains trucs » ce pouvait être n’importe quoi.
« Ne t’inquiète pas pour les choses que je vais te demander d’accomplir, ce ne sera pas bien méchant. » Il prit une expression approprié pour appuyer ses dires.
(Il lit dans mes pensées ou quoi?!) Quelque chose dans son attitude me laissais croire qu’il disait vrai. C’était rassurant.
« Ça te plait? » Me questionna-t-il avec une voix insistante.
Il me fixait avec ses yeux ambrés et attendait que je lui dise « oui », ce que je fis. J’avais compté les pours et les contres, et il y avait d’avantage d’effets positif si je marchais avec lui, que si je refusais. Un sourire triomphant s’afficha sur son visage, visiblement, il était ravi que j’accepte son offre. Et, si jamais, cet accord allait trop loin, je pouvais toujours lui faire faux bond et m’éclipser en douce.
« Bien! » Son sourire prit un air malicieux, et sans pour autant être vil il était plutôt énigmatique.
« Oh! J’allais oublier! Je m’appelle Isaak, ton humble serviteur. » Sur ces mots, il effectua une révérence. Comme si j’étais vraiment une personne de haut rang et qu’il me présentait du respect. Cette vision était amusante, m’imaginer en personne importante m’étais presque inimaginable. Je masquai un petit rire amusé et rougis un peu.
« Ne perdons pas de temps, mettons nous en route vers mon repaire. » Il leva la tête pour regarder le ciel.
« Avant que la nuit nous passe entre les doigts. » Je regardai à mon tour, en espérant que la teinte de mon visage redevienne normale. De petites taches lumineuses avaient commencées à émerger sur le ciel d’encre. L’obscurité était arrivée si hâtivement, que ça en devenait incroyable. En l’espace de quelques minutes, les ténèbres avaient pris possession de presque tout. Seules les lueurs des chandelles et de la lune éclairaient la ville.
Je cessai d’admirer cette toile pour me concentrer d’avantage sur Isaak. Ce qu’il dégageait indéterminable, mais quelque chose me poussait à boire ses paroles et à lui faire confiance. Quand il s’aperçut que je ne contemplais plus le ciel et que je le dévisageais, il me sourit. Je lui souris en retour toujours rougissante. Son sourire avait quelque chose de différent du mien, mais je n’arrivais pas à trouver quoi, si ce n’était une once de malice. Il commença à marcher vers l’endroit où se trouvait sa maison et m’invita à faire de même d’un geste de la main. Je mis une dizaine de secondes avant de m’élancer derrière lui et de le rattraper. Il marchait rapidement, j’avais de la difficulté à le suivre et parfois, je devais presque courir pour arriver à le suivre sans trop le perdre en distance. J’avais l’air d’une gamine à courir ainsi derrière cet homme, heureusement qu’à cette heure la plupart des gens étaient chez eux. Dans la pénombre, tous deux habillé de noir, nous étions comme deux ombres qui parcouraient la ville.
Les habittions