<De la milice Kendranne>Svengar fut surpris par la réaction peut protocolaire du gradé. Celui-ci parlait franchement et sans détour, ce qui n’était pas forcément un mal. Même si ce n’était pas la meilleure manière de maintenir la discipline dans les troupes. Mais, après tout, c’était une milice recrutant des aventuriers et pas une armée régulière. Il rangea alors sa hache et adopta une pose plus décontractée.
« Ce sera un honneur pour moi de servir la communauté sous les couleurs de la milice, mon Capitaine. Je vais immédiatement m’enregistrer dans vos bureaux, me choisir un équipement et débuter ma mission. »Il fit le premier geste pour saisir sa hache et saluer comme on lui avait appris à l’école de la guerre de Mertar puis se ravisa et s’inclina légèrement. L’instructeur tournait déjà la tête pour s’occuper d’une autre personne venue poser des questions. L’affaire était donc réglée. Il faisait désormais partie de la milice. Il avait imaginé quelques choses de plus cérémonieux mais enfin, on ne peut pas tout avoir.
C’est donc en grommelant que Svengar monta quatre à quatre les marches de pierre devant l’entrée. Il n’entendit qu’un bout de l’exclamation de l’instructeur qui s’indignait d’un autre enlèvement. Il s’arrêta devant les deux lourdes portes de chênes sculptés. Celles-ci étaient ouvertes mais il prit quelques instant ; D’une part pour savourer cette première fois où il allait rentrer dans ce bâtiment pour s’inscrire et d’autre part pour jeter un œil à l’architecture du Quartier Général.
Le bâtiment était massif, avec peu de fenêtres et, qui plus est, étaient placées hautes par rapport au sol, même pour un homme ou un elfe. Il avait un toit de tuiles rouges à la pente très aiguë et des chemins de garde crénelés l’entouraient complètement. Le sculpteur qu’il avait aperçut au loin était accroupi au niveau d’un angle du mur et commençait d’y graver une forme encore trop imprécise pour deviner ce qu’il allait modeler. Le fait de se permettre de sculpter un morceau de mur à hauteur d’homme indiquait que les murs étaient très épais.
C’était donc une forteresse, bâtit là, aux murs suffisamment solides pour résister à un siège. Mais le bâtiment n’en avait pas l’apparence, seulement les caractéristiques défensives. Il s’insérait bien dans le paysage architecturale de Kendra Kâr. L’architecte devait être excellent pour réussir pareil tour de force se dit Svengar. Et il se perdit encore quelques poignées de secondes en contemplation.
La voie de l’instructeur, au bas des marches, le sortie de ses rêveries. Il grommela un peu et passa sous le porche pour entrer dans le grand hall. Celui ci était simplement meublé, des bancs de bois parcouraient les contours de la pièce pour permettre aux usagers de patienter. Il n’y avait qu’un homme et une femme, assis côte à côte et se tenant la main. La femme avait les yeux rougit par les larmes et l’homme était très anxieux. Un milicien, accroupit devant eux leur parlait à voix basse des mots réconfortants.
Svengar perçut quelques bribes, juste assez pour comprendre que le fils de ce couple avait été enlevé. Il les regarda avec un peu plus de compassion.
(Les pauvres gens, ce doit être terrible de perdre ainsi son enfant ! Il faut absolument que je m’y mette, à cette enquête !)Un couloir partait droit devant les portes d’entrée et, de part et d’autre, se trouvait un garde en livrée bleu et rouge. Dans le mur gauche se trouvait une porte sur laquelle une petite plaquette dorée informait que c’était le bureau du capitaine. Mais ce n’était pas cela que Svengar cherchait. Il le vit sur l’une des portes situées dans le mur droit, le bureau de recrutement et d’enregistrement des volontaires. Il s’y dirigea résolument puis toqua. Une voie étouffée répondit quelque chose qu’il ne comprit pas mais qu’il supposa être une invitation à entrer.
Il ouvrit donc la porte et pénétra dans une pièce de taille moyenne avec un bureau devant lui, une personne derrière celui-ci et contre les murs, partout, des étagères et des étagères remplies de classeurs. Le bureau accueillait une foule de documents divers, de feuillets, de notes griffonnées sur un brouillon, entassés avec plus ou moins d’ordre, ne laissant que peu de place libre. L’homme derrière le bureau était déjà d’un certain âge, les cheveux poivre et sel mais coupés court. Il avait le nez fin et pointu avec des yeux très rapprochés, ce qui fit penser à Svengar qu’il avait quelque chose de la fouine ou, au vu des étagères et du bureau, à un rat de bibliothèque.
Sans préambule, l’homme prit une feuille dans un tiroir et la fit glisser, ainsi qu’un encrier et une plume, à Svengar. Il lui indiqua d’une voie nasillarde, sans quitter des yeux la fiche sur laquelle il travaillait, qu’il fallait remplir ce formulaire pour être enregistré dans la liste des volontaires de la milice. Il lui indiqua également le chemin qu’il devrait emprunter pour rejoindre l’armurerie afin de se choisir un équipement.
Étouffant un nouveau grommellement face aux méthodes peu amène de cet individu, Svengar remplit le formulaire, y indiquant son nom complet, sa race et sa condition familiale. Une fois cette petite formalité terminée, il fit glisser la feuille que le bureaucrate saisit, parcourue rapidement et plaça sur le haut d’une pile de son bureau en marmonnant que tout était en règle.
(Et bienvenue dans la milice, grmblbl dgrmblbl. Je vois que la politique de recrutement est extrêmement bien rodée ici. Grmblbl…bon, fini les sarcasmes. Il m’a dit où était l’armurerie, voyons ce qu’ils ont.)Svengar s’inclina rapidement, par pure forme, et sortit rapidement de ce bureau. Il se dirigea vers l’armurerie comme on lui avait indiqué et la trouva facilement. Il déroula son ordre de mission au garde posté devant qui le laissa entrer.
L’armurerie était quatre à cinq fois plus vaste que le bureau qu’il venait de quitter. Le dallage était en grès gris simple et les murs en bloc de pierre apparent mais lisse. Partout des râteliers d’armes, d’armures et de pièces d’équipements. Ici des épées de toutes les tailles et de toutes les épaisseurs, allant du glaive à l’espadon en passant par la miséricorde et l’épée batarde. Là, toute une table pour les protections des bras et des jambes. Des hauberts reposaient sur des bustes de pailles et des boucliers de toutes les tailles et de toutes les formes étaient accrochés aux murs. Il y avait même un râtelier remplit de haches d’armes et de marteaux de guerre !
La salle était bien remplie mais ne pouvait rivaliser avec les salles d’armes que Svengar avait pu voir à Mertar. Il s’y était perdu plusieurs fois avant de réussir à se retrouver dans ces dédales de bois et d’acier.
Il se dirigea vers les armures et commença à les toucher, tâter le matériau utilisé et estimer leur efficacité lorsqu’un homme l’interpela du fond de la pièce. Il se trouvait dans un petit cabanon de bois et était accoudé au rebord d’une fenêtre qui devait faire office de comptoir. Les cheveux noir coupé court, il le dévisageait de ces yeux bleu acier qui encadrait le nez aquilin si typique des kendrans. Il avait cependant les joues un peu joufflues, caractéristiques des personnes aimant la bonne nourriture et surtout la bonne bière. Svengar ne manqua pas de le remarquer.
« Pas la peine de chercher, maître Nain, nous n’avons rien à votre taille ici. »C’était dit sans méchanceté. Simplement l’énoncé de la stricte vérité sans fioriture ni rond de jambe. Il poursuivit avant que Svengar ne pense à répliquer ou même à râler.
« Avant que vous ne grommeliez, maitre Nain, je tiens à m’excuser pour ce manque dans notre armurerie mais voilà, vous êtes le premier nain depuis longtemps à vous porter volontaire. »(Bon. Lui, je l’aime bien. Enfin quelqu’un de franc !)Svengar lui sourit mais ne réussit pas à juguler le grommellement qui lui titillait le palais.
« Grmblbl de grm et bien merci pour l’information. C’est bien dommage en effet que si peu des miens aient franchit le pas. Y-a-t-il quelque chose qui ne serait pas trop grand pour moi ? »L’homme réfléchit un instant, se frottant le menton d’une main.
« Il va falloir faire l’impasse sur les armures et les pièces de protections des membres malheureusement. »Cette phrase s’abattit sur Svengar comme une sentence et il accusa difficilement le coup. Il avait rêvé de porté une armure aux couleurs de la milice et son envie était désormais bien compromise. L’homme poursuivit cependant sa réflexion.
« Les armes ne sont pas encore disponibles aux apprentis donc il ne reste pas grand chose. Ma foi, il ne reste que les casques. Vous n’avez pas la tête plus petite que nous autres humains, ni plus grosse d’ailleurs. Oui, les casques devraient faire l’affaire. »Le moral de Svengar s’assombrissait de gros nuages au fur et à mesure que le gestionnaire de l’armurerie lui exposait la situation mais son ciel se dégagea brusquement lorsqu’il parla des casques.
« AAAAAAH bah voilà, je vais prendre un casque donc, je n’ai pas vraiment le choix mais, après tout, vous me le prêtez gratuitement. Je ne vais pas faire la fine bouche et râler plus que de coutume. »Il avait dit ça avec malice et l’homme rit à ces mots. Svengar se dirigea alors vers une table longue et étroite sur laquelle reposait nombres de casques de toutes formes. Il choisit un heaume simple en acier, sans protection pour le nez, afin que son visage soit visible et le ceignit sur sa tête.
« Merci à vous messire. »Et Svengar s’inclina profondément.
« Appelle-moi Luc. »
« Et bien d’accord Luc, je suis Svengar Svensson de la maison de Mertar. Appelle-moi Svengar. Je te dois une bière pour aujourd’hui. »« Avec plaisir, à ce soir donc !»Souriant, Svengar lui fit un signe de la main et s’en alla en pensant aux bières qu’ils allaient s’enfiler le soir.
<Vers les rues de KK>