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Avant)
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Les voilà enfin ces murs ! Pas trop tôt ! Avec la gamine qui se raccroche à elle en chouinant, même la garzoke commence à fatiguer. Faut dire que MAYA est dans cet état depuis qu'elle a pigé être en route pour une maison de passe. Les yeux humides, le nez qui coule, les pieds qui trainent. Elle aurait presque l'air malade avec sa peau qui devient super pâle.
Aux portes, il y a quelques humains. Pas des gardes. Z'ont pas d'casque, pas d'épée sortie et surtout ils picolent. Et bien en plus. Y'a tellement de bouteilles vides qu'il y en a un qui trébuche dessus. Et roule, et roule et paf le type sur le dos façon araignée. Ses bras et ses jambes qui battent l'air, cognant les autres au passage. Et vlan, bagarre d'ivrognes.
La rôdeuse les regarde au passage, beuglant un encouragement en poussant la gosse dans la ville. Pas que ça à faire après tout ! Elle est stoppée par un humain large qui fait à peu près sa taille, presque chauve, et avec une armure en cuir. L'air méchant, il demande si elle vient d'Omyre. Un simple non sans préciser qu'elle arrive des marais, et le grand débile lui fout la paix. Il doit attendre quelqu'un sans connaître sa tronche. Il a une tête d'abruti, et est pourtant le moins minable qu'elle ait croisé. Dahràm promet de franchement l'amuser !
L'estomac de Zu'Gash se fait entendre. Mais pour bouffer, faut des yus. Vendre la gamine serait le plus rapide, mais sale comme elle l'est, aucune maquerelle n'en voudrait, même pour vider les pots de chambre. Y'a donc besoin d'aller refiler une ou deux peaux en magasin, passer par une auberge décrasser la petite, puis trouver un bordel plutôt riche.
Zu'Gash fronce le pif. La ville, ça a toujours été moche. Celle-là est encore plus bizarre avec ses baraques faites de tout et n'importe quoi. À se demander comment certaines tiennent debout. Et
brooom, un toit qui glisse et s'éclate dans la rue d'à côté. Aller s'enfermer entre des murs, quelle idée à la con. D'une, tu ne vois pas d'où arrivent tes ennemis. De deux, pour peu qu'un magicien fasse l'imbécile, et y'a plus d'mur pour tenir ton toit. Et de trois, déplacer une paillasse ou une peau, c'est quand même plus facile qu'une bâtisse. 'Sont vraiment trop cons les citadins.
La rôdeuse trouve que ça pue franchement. Même pour elle, habituée à l'haleine du clan ou la puanteur des cadavres, l'odeur la rebute. Peut-être parce que le mélange entre pisse, sueur, dégueulis et poissons pourri se retrouve partout. En plus, la boue d'ici s'accroche plus aux bottes que celle des marais. Et les gens qui y vivent, alors là... Entre deux marins bourrés qui chantent faux, des femelles pas fraiches exhibant leurs mamelles au tout-venant, et les gosses des rues foutant le bazar, y'a pas à dire, c'est pas l'meilleur quartier. Mais qu'ils y viennent ! Ils feront connaissance avec son porte-bonheur en os !
L'idée d'aplatir un nez rouge fait rire la garzoke. Sa gueule est si grande ouverte qu'elle s'étrangle sur une mouche de passage. Enfin, c'était gros pour une mouche. Et ça croquait sous la dent. Reniflement, crachat verdâtre au sol. Tant que c'était pas une chiure de mouette, pas de quoi s'y attarder.
Au détour d'une ruelle, un gosse plus petit que MAYA percute la rôdeuse. Aie ! En plein dans la blessure en guérison de son bide ! Ça saigne pas ? Non ? Bah alors, ça va. Surprise de Zu'Gash quand la fillette aux longs cheveux bruns se jette à corps perdu sur le gamin et le plaque au sol. C'est pas son poids à elle qui pourrait le blesser, mais elle porte encore les peaux. C'est que ça, ça fait du poids. Déjà qu'elle est pas bien épaisse. Et pourquoi elle a fait ça, c'te gosse ?
"
Eh ! T'as beau êt' jeune, tu vas pas les prendre quand ils savent à peine marcher, hein ?", s'esclaffe-t-elle avant d'apercevoir quelque chose dans les mains de la petite. "
Ah bah ?", s'étonne-t-elle en découvrant sa bourse.
Ah oui, elle n'est plus à sa ceinture. La garzoke ne l'avait même pas remarqué. Elle a l’œil cette gosse. Tranquillement, avant que d'autres rats aient la même idée, la peau-verte ramasse son petit sac. Le garder à la ceinture, c'est pas malin. Faudrait pas qu'ça recommence. Elle tire alors les cordons, tout en marchant résolument sur la main du morveux.
"
Fais gaffe où tu mets les pattes, toi. Coquin.", fait-elle avec une voix mielleuse qui la débecte elle-même. La minauderie, c'est vraiment dégueulasse.
Elle accroche le sac à son cou, le laissant pendre sous sa tunique. Sa grande main relève l'esclave brune. À peine debout, le gamin cherche à se carapater, mais ne s'en tire pas sans un coup de pied bien senti dans le fion. C'est fou comme un tire-laine détale encore plus vite avec un peu d'élan. La grande main de Zu'Gash se pose sur la tête de la fillette et l'ébouriffe.
"
T'as l’œil, gamine. Garde-le, ça peut t'servir plus tard.", sourit la grande brute avant de pousser la gosse. "
Allez, une échoppe pour m'faire un peu d'fric, et on enchaine."
Grands yeux de la petite MAYA. Et la voilà qui se remet à renifler. Ben quoi ? Elle ne croyait quand même pas qu'empêcher un voleur de lui piquer ses yus allait changer quoi que ce soit à son avenir, non ?
Y'a pas à dire, c'est con un gosse.
(
Après)