Hrist sortait du port et s'engageait dans ce qui était la plus grande rue de Kendra Kâr. Elle ne connaissait de la ville qu'une image floue vue en vitesse sur un plan. Elle remarquait, alors qu'elle s'y engouffrait que le vent soufflait anormalement fort. Il y avait une très forte affluence sur le port, à l'endroit où elle se trouvait et où elle venait d'accoster. C'était en vérité à cause d'une violente tempête, les marins faisaient amarrer leurs bateaux en cette partie du port car les habitations protégeaient du vent violent. Or elle n'avait pas remarqué que la majorité du port était désertée en raison du danger.
C'est en entrant plus avant dans la rue qu'elle comprit que la tempête faisait vraiment rage. Le vent frappa, aussi surprenant qu'un assassin venu de derrière. Il déchirait les toiles des chariots des vendeurs et marchands, d'ailleurs il n'était pas rare de les voir s'arrêter sur le côté de la route à rattacher les toiles à l'aide de lanière de cuir humide, bien plus résistant que la ficelle qui aurai cédé aux premières bourrasques.
Elle regardait où elle mettait les pieds, il y avait de nombreux débris par terre; à mesure qu'elle avançait, elle remarqua qu'il y avait de moins en moins de gens dans les rues. Elles étaient désertées. Silmeria aurait été prise de panique, comme une étrangère qui arrive dans un endroit hostile sans même avoir une idée de ce qui s'y passait. Le ciel était sombre et les gens graves. Hrist, elle, observait, scrutait les pancartes à la recherche d'une auberge, une taverne, un endroit où passer la nuit... Propre dans la mesure du possible. Il n'y avait rien de bien intéressant dans les premières allées de la rue, elle continua donc son chemin. Le château était dressé sur un dôme en face d'elle. Le fort massif, entièrement gris semblait à l'abri du vent, les vieilles pierres avaient survécu à l'érosion du temps, un coup de vent n'était pas un problème. Or les habitations en bois - elles - étaient franchement plus fragile. Et dangereuses, une barre de tuiles présentes sur les toits se détacha et vint s'écraser sur le sol à moins d'un mètre du corps de Silmeria. Hrist prit les mesures à la sécurité, comme le vent venait de droite, elle se rendrait à gauche, l'extrême gauche derrière les files de convois réservés aux vendeurs se rendant au port. Le vent lui arracha le capuchon sombre qui dévoila son visage à la ville. Elle espérait un instant que parmi ces vendeurs, il n'y en aurait pas un de Tulorim qui la reconnaitrait et chercherait à lui faire payer ses nombreux crimes. Quelle ironie du sort ça aurait été : Quitter Tulorim pour y payer ses crimes à Kendra Kâr. Mais les gens étaient trop occupés à protéger leurs affaires. Les miliciens, mieux armés qu'à Tulorim patrouillaient à deux. Plus nombreux, mieux organisés. Ils étaient peut être à la hauteur de la réputation qu'on leur prêtait. Hrist ressentait les émotions de Silmeria, elle était terrifiée par l'inconnu de la ville. Et surtout par la tempête. Les morceaux de bois tombaient de nul part. Un garde en fut la preuve, il était victime d'une chute de tuiles. Rien de grave, la jambe seulement, et l'armure avait fait son office. Quoiqu'il en soit, il était tombé sous la violence du choc, pour quelqu'un qui ne portait pas d'armures, le choc aurait été autrement plus grave.
Elle continuait d'avancer à l'abri du vent mais bientôt les caravanes se furent rares. Elle suivait alors de près une caravane qui avançait lentement vers le château. Sans même demander la permission, elle se glissa doucement vers le convoi et pris assise sur le marche pied qui se trouvait à l'arrière. Ainsi elle se reposerai un peu, le corps de Silmeria était fatigué de cette longue nuit à bord de cette embarcation répugnante et pleine de marins... Au regard de certains, elle prit la décision de ne pas dormir. Elle avait d'ailleurs les yeux qui commençaient à piquer. Il lui fallait dormir. Elle regardait de temps en temps parmi les ruelles si un panneau en bois n'allait pas lui indiquer la présence d'une auberge. Et alors qu'elle passait le visage hors de la toile qui la protégeait du vent, elle fut frappée par quelque chose de léger, en plein visage, une ombre noire qui lui enveloppa la face. Surprise, elle s'arma de son épée et bondit hors du transport. Ce n'était qu'un drapeau qui s'était détaché de son mat... Un drapeau de Kendra Kâr, bleu et rouge avec ce qui ressemblait au soleil selon les symboles humains. Elle restait sur place, à froisser le tissu et ranger son épée. Elle avança doucement. La rue était totalement déserte mis à part deux personnages encapuchonnés qui étaient chacun d'un côté du chariot.
Hrist se savait d'une chance insolente, elle avait toujours le drapeau entre les mains, mais n'aurait pas imaginé qu'une telle chose arrive. Une grosse détonation se fit entendre et une gerbe d'eau sortit du sol telle un démon renversant le convoi sur le côté, sur la personne qui se tenait à sa droite. L'ombre sous la cape brune eut le temps de reculer mais il était trop tard, le chariot se renversa sur le personnage. Où était l'autre ? De l'eau s'échappait d'un trou béant à gros bouillons. Les égouts avaient débordés. Et par une réaction de la nature aquatique, la personne qui se trouvait au dessus des égouts fut happée et emportée par le fond. Elle n'avait sans doute même pas eu le temps de comprendre, et qui impressionnait Hrist, c'était que la personne n'avait fait que marcher sur la plaque d'égout pour provoquer cette réaction. La nature réserve des surprises très inattendues et intéressantes jugea-t-elle. L'écrasé agitait les bras en sa direction, c'était la seule personne de la rue. Elle était déserte, à l'heure où elle aurait dû être encore vivante, la tempête avait chassé les gens, ne laissant que l'homme - ça s'entendait aux appels à l'aide - et ... Hrist. Elle avança, le pas nonchalant vers la victime. Les cheveux d'or dansaient sans cesse autour de son visage, obscurcissant sa vision mais la rendant tellement... Sauvage.
Elle s'accroupit juste devant l'homme qui tendait la main, suppliait pour qu'on l'aide. Il était écrasé. Les jambes devaient se trouver sous le chariot et des caisses de marchandises lui écrasaient le dos, il levait les épaules le plus haut possible, la colonne ne devait pas être brisée, et tenta de dépêcher la jeune étrangère pour trouver la garde et aider à son sauvetage. Les égouts vomissaient des litres d'eau, et le sol ne tardait pas à virer à une boue affreusement épaisse autour de la caravane, l'infortuné victime baignait dans une marée brune ce qui ajoutait une touche pathétique à sa situation. Il grattait le sol par spasmes, les yeux pleins de larmes et la morve coulant de son nez, il haletait, implorait... Les mots brisés semblaient sortir de nul part. Il devait avoir la respiration coupée, le corps ravagé. Il ne survivrait surement pas alors Hrist eut une idée...
L'homme rougissait face à l'impassibilité de la jeune femme qui le regardait au plus profond de ses yeux violets. Elle lui sourit en dégageant son épée. Elle s'en servit pour trancher les fines lanières de cuir qui maintenaient la toile à la caravane. Le vent tourbillonnait dans la rue, plaquant ainsi la toile blanche sur le jeune homme. Elle restait fixée au sol, écrasée par le vent et rendue lourde pas les litres d'eau qu'elle but à son seul contact. L'homme était caché, ne pouvant se débattre outre mesure, il allait devoir attendre ici. Il avait beau vociférer, le hurlement du vent couvrait sa voix et ses plaintes... Il allait probablement mourir, il lui aurait fallu des soins magiques, ou le sortir de là au plus vite. Hrist préférait le laisser sur place. Qu'il vive ou non, quelle différence. C'est alors que, telle un ombre, elle quitta les lieux et tourna trois ruelles plus tard à gauche. C'est là qu'elle rencontra la première auberge depuis son arrivée à Kendra Kâr.
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